Les grands arrêts de la jurisprudence judiciaire

Voici une liste non-exhaustive de vingt grands arrêts de la jurisprudence judiciaire et leur portée, sélectionné par Juri’predis.

Arrêt DAME VEUVE, Cass. Civ 1ère, 5 novembre 1913

La question posée à la Cour de Cassation était de savoir si un mariage déclaré nul pouvait produite des effets en faveur de l’une des parties à l’acte, si cette personne était de bonne foi. La Cour de cassation énonce dans sa décision que, « la bonne foi est toujours présumée et qu’il incombe à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver. »

Arrêt CLÉMENT BAYARD, Cass. req., 3 août 1915

Dans cette affaire, un homme a installé sur son terrain des tiges pointues, de plus de seize mètres de hauteur afin de nuire à son voisin et de causer des dommages à son ballon dirigeable. La Cour consacre la théorie de l’abus de droit dans cet arrêt, en jugeant que le dispositif avait été érigé dans l’unique but de nuire à son voisin.

Arrêt JAND’HEUR, Cass. Ch. Reun., 13 février 1930

Dans le cas de l’espèce, un camion a renversé et blessé grièvement, au moment où elle traversait la chaussée, une mineur. La Cour de cassation a jugé que, la responsabilité du fait des choses est fondée sur une présomption de responsabilité à l’encontre de celui qui a sous sa garde une chose qui a causé un dommage. Ainsi, cette responsabilité s’applique à toutes les choses inanimées.

Arrêt FRANCK, Cass. Ch. Reun., 2 décembre 1941

Dans le cas de l’espèce, la voiture du Dr Franck, confiée à son fils avait été volée pendant la nuit. Le voleur durant la nuit avait renversé et blessé mortellement un citoyen. La famille de la victime avait alors assigné le Dr Franck en réparation du préjudice résultant de la mort de leur proche. La Cour de cassation dans cet arrêt a posé le principe selon lequel « pour être gardien d’une chose il faut en avoir l’usage, la direction et le contrôle. » De la sorte, c’est la responsabilité du voleur qui fut engagé.

Arrêt OXYGENE LIQUIDE, Cass. Civ 2ème, 5 janvier 1956

Dans cette affaire un préposé transportait des bouteilles d’oxygène qui ont explosé au cours du transport. La réparation du dommage incombe au gardien. La Cour juge que, la garde de la structure se distingue de la garde du comportement pour les choses dotées d’un dynamisme propre et dangereux. De ce fait, le gardien du comportement c’est celui qui détient la chose pour effectuer sa mission (le préposé) et le gardien de la structure est le propriétaire de la chose.

Arrêt TRICHARD, Cass. Civ 2ème, 18 décembre 1964

Dans le cas de l’espèce, M. TRICHARD épileptique, a été victime d’une crise en conduisant son véhicule automobile. Il a heurté une charrette. La jurisprudence a considéré qu’une personne privée de discernement peut avoir la qualité de gardien d’une chose.

Arrêt JACQUES VABRE, Cass. Ch. Mixte., 24 mai 1975

Dans cette affaire, les entreprises Jacques Vabre et J. Weigel ont déposé un recours contre des droits de douane versés entre 1967 et 1971 dans le cadre de l’importation de café soluble en provenance des Pays-Bas, au regard de la taxe intérieure de consommation. Ces entreprises, faisaient valoir que le café avait subi une imposition supérieure à celle qui était appliquée aux cafés solubles fabriqués en France, ce qui était selon eux contraire aux dispositions du traité CEE de 1957. La Cour de cassation va poser comme principe que « même si la loi française est ultérieure à la norme communautaire, celle-ci prévaut sur la loi française, puisque le droit interne est hiérarchiquement inférieur. »

Arrêt POUSSIN I, Cass. Civ 1ere, 22 février 1978

Dans le cas de l’espèce, des époux propriétaires d’un tableau ancien l’attribuent à Nicolas Poussin. Avant de mettre en vente leur tableau aux enchères publiques, ils font appel à des commissaires-priseurs. Après expertise du tableau, ce dernier se révèle ne pas être de Nicolas Poussin mais de l’École des Carrache. Le 21 février 1968, le tableau est donc vendu a bas prix. Cependant, le jour même, la direction des Musées de France utilise son droit de préemption comme pour acquérir le tableau et l’exposer au Musée du Louvre expose, comme une œuvre de Nicolas Poussin. Suite à cette exposition, les époux assignent la direction des Musées de France en nullité de la vente pour erreur sur la substance. La Cour de cassation définit dans cette décision l’erreur sur la substance.

Arrêt DESMARES, Cass. Civ 2ème, 21 juillet 1982

En l’espèce, la voiture de M. DESMARES a heurté et blessé les époux CHARLES qui traversaient la chaussé. Ils ont alors formés une action en réparation contre M. DESMARES sur le fondement de la responsabilité du fait des choses. La Cour de cassation exige que, la faute de la victime n’exonère l’auteur de l’accident de sa responsabilité que si celle-ci présente les caractères de la force majeure. La force majeure ne peut être retenue que si trois conditions cumulatives sont présentes : l’extériorité, l’irrésistibilité et l’imprévisibilité.

Arrêt LEMAIRE, Cass Ass. pl., du 9 mai 1984

Dans cette affaire, une petite fille est décédée après avoir été heurtée par un véhicule. Le chauffeur n’a pu éviter l’enfant du fait de la rapidité avec laquelle elle s’est déportée sur la chaussée. La Cour, considère qu’il y a lieu de procéder à un partage de responsabilité entre l’auteur du dommage ainsi que la victime elle-même. En effet, même si celle-ci est privée de discernement en raison de son âge, les juges ont retenu que la faculté de discernement n’est pas exigée pour déterminer la faute.

Arrêt GABILLET, Cass. Ass. pl., 9 mai 1984

Dans cette affaire, un jeune enfant de trois ans jouait avec un bâton et creva l’oeil à un autre enfant. La Cour de cassation énonce que, malgré le très jeune âge d’un enfant, le discernement n’a pas à être recherché si celui-ci a l’usage, le contrôle et la direction de la chose.

Arrêt FRAGONARD, Cass. Civ 1ère, 24 mars 1987

Dans cette affaire, un tableau est vendu aux enchères publiques, comme étant attribuée à Fragonard. Par la suite, l’authenticité du tableau est établie par un expert. Les héritiers du vendeur demandent donc l’annulation de la vente pour erreur. Or, le vendeur savait le caractère douteux de cette authenticité, de même que l’acheteur. Ainsi, l’aléa sur l’authenticité de l’œuvre est entrée dans le champ contractuel et a été accepté par les parties. Dès lors, quand bien même ultérieurement ce doute se dissiperait et l’authenticité deviendrait certaine, le contrat, de nature aléatoire, n’en demeure pas mois parfaitement valable.

La Cour de cassation a donc posé comme principe que, « lorsqu’un doute sur l’authenticité du tableau existe au moment de conclusion du contrat, l’erreur ne constitue plus une cause de nullité. »

Arrêt, Cass. Ass. pl., 11 décembre 1992

En l’espèce, une personne physique a été enregistrée sur les registres de l’état civil de sexe masculin, mais elle s’est toujours considérée comme une fille depuis l’enfance. Ainsi, elle s’est soumise à un traitement hormonal, puis a subi une ablation de ses organes génitaux externes.

La Haute juridiction réunie en assemblée plénière a jugé qu’en vertu du principe du respect de la vie privée, l’état civil doit désormais indiquer le sexe dont la personne a l’apparence.

Arrêt VIDEO-CLUB, Cass. Civ 1ere, 3 juillet 1996

Dans cet arrêt, un contrat a été conclu entre un fournisseur de cassettes vidéo et un loueur qui entendait créer avec son épouse un point club vidéo. Toutefois, le commerce ayant été ouvert dans une agglomération insuffisamment peuplée, l’opération économiquement s’avère peu rentable. La Cour de cassation a posé comme principe qu’en l’absence de contrepartie réelle, est nul pour absence de cause, le contrat d’exploitation d’un commerce.

Arrêt CHRONOPOST, Cass. Com, 22 octobre 1996

Dans cette affaire, une société devait répondre à une adjudication, dans des délais très stricts. Ainsi, elle a confié son pli à la société Chronopost, qui prévoit dans ses contrats, que les plis sont livrés le lendemain de leur envoi avant midi. De plus, le contrat énonce que, si la société Chronopost ne respecte pas son engagement, l’indemnisation qu’elle doit à son cocontractant correspond au prix du transport dont celui-ci s’était acquitté.

Le pli n’est pas livré dans les délais convenus et la société ne peut donc pas participer à l’adjudication. Elle saisit la justice afin d’engager la responsabilité contractuelle de Chronopost pour inexécution de son obligation. La Cour de cassation a jugé que, si la clause limitative porte sur l’obligation essentielle et vide l’engagement de sa substance, elle doit être considérée comme nulle.

Arrêt BALDUS, Cass. Civ 1ere, 3 mai 2000

Dans cette affaire, une dame a vendu lors d’enchères publiques des photographes de Baldus à mille francs l’unité. Dès années plus tard, la vendeuse rencontre à nouveau le même acquéreur et lui vend de nouvelles photographies du même artiste pour le même montant. La vendeuse apprend par la suite que Baldus est un photographe de renommée et dépose plainte contre l’acheteur pour escroquerie (dol). Pour rappel, le prix avait été fixé unilatéralement par la vendeuse.  La Cour de cassation juge qu’aucune obligation d’information ne pèse sur l’acheteur.

Arrêt PERRUCHE, Cass., ass. plén., 17 nov. 2000

Dans cette affaire, un enfant est naît avec un handicap à la suite d’une erreur médicale commise par un médecin. Aussi, cette erreur a-t-elle privé la mère de la possibilité de recourir à une interruption volontaire de grossesse. La Cour de cassation consacre pour la première fois en termes clairs le droit pour l’enfant né handicapé d’être indemnisé de son propre préjudice.

Arrêt RICHARD GOURLAIN, Cass. Civ 2ème, 20 novembre 2003

Dans cette affaire, la famille d’un fumeur a assigné une société d’exploitation industrielle de tabacs, en réparation des préjudices causés par le tabac. En l’espèce, le fumeur était atteint d’un cancer du poumon et de la langue, et en était décédé. La Cour de cassation refuse la distinction entre garde du comportement et garde de la structure. Dans cette affaire, le dommage causé est lié au comportement du fumeur qui consomme excessivement le produit depuis ses 13 ans. Le fabriquant n’est pas à même de prévenir le dommage.

Arrêt ERIKA, Cass. Crim, 25 septembre 2012

Dans cette affaire, un navire de citerne (Erika), transportant plusieurs tonnes de pétroles a subi une défaillance de sa structure à la suite d’une tempête. Une partie de sa cargaison s’est alors déversée dans l’océan affectant les côtes du littoral français. La Cour de Cassation énonce qu’un préjudice peut résulter d’une atteinte à l’environnement en raison du naufrage d’un pétrolier. C’est la première fois, que les juges évoque le préjudice écologique dans une décision.

Arrêt DISTILBENE, Cass. civ 1ère, 24 septembre 2009

Dans cette affaire, deux femmes atteintes d’une tumeur, assignent les laboratoires produisant la Distilbene en justice pour réparation de leur préjudice. En effet, elles imputent leur maladie, à cette hormone de synthèse, prise par leur mère pendant leur grossesse. La Cour de cassation a posé comme principe que, « lorsque la preuve d’une infection nosocomiale est apportée mais que celle-ci est susceptible d’avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient àchacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d’établir qu’il n’est pas à l’origine de cette infection. »

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