Les grands arrêts de la jurisprudence administrative

Voici une liste non-exhaustive de vingt grands arrêts de la jurisprudence administrative et leur portée.

Tribunal des conflits, 8 février 1873 – Arrêt BLANCO

Dans cette affaire, une fillette âgée de cinq ans est renversée et grièvement blessée par un chariot poussé par des ouvriers. Ce chariot appartient à la manufacture des tabacs qui est exploitée en régie par l’État. Le Tribunal des conflits consacre la responsabilité de l’État.

Tribunal des conflits, 30 juillet 1873 – Arrêt PELLETIER

Dans cette affaire, lors de l’Etat de siège, M. PELLETIER (militaire), décide de faire saisir le premier numéro d’un journal. Le propriétaire du journal souhaite engager la responsabilité de M. Pelletier du fait de son action qu’il considère comme illégale. Le Tribunal des conflits va créer une distinction entre faute personnelle et faute de service.

Conseil d’État, 6 février 1903 – Arrêt TERRIER

Dans cette affaire, le conseil régional attribue des primes pour que les vipères soient détruites dans la mesure où celles-ci deviennent nuisibles sur ce territoire. Le conseil va donc passer un contrat avec un chasseur de vipère. Toutefois, après avoir procédé à ces destructions, M. Terrier demande le paiement de son travail, mais celui-ci lui est refusé.

La question que pose ce litige est de savoir si le contrat passé par M. Terrier est un contrat de droit Privé ou un contrat de Droit Administratif.

Le Conseil d’État va juger que dans la mesure où la destruction d’animaux nuisibles est un  acte de service public, le contrat est de droit administratif. De la sorte, les relations entre les parties sont des relations de droit public. Le Conseil d’État juge qu’une personne privé peut gérer un service public par délégation.

Conseil d’État, 30 mars 1916 – Compagnie d’éclairage de la ville de Bordeaux

Dans cette affaire, la compagnie générale d’éclairage de Bordeaux cherchait à obtenir de la ville de Bordeaux, suite à la forte augmentation du prix du charbon (multiplié par cinq), qu’elle supporte ce surcroît.

Le Conseil d’État a posé comme principe la théorie de l’imprévision dans les contrats administratifs. Ainsi, lorsque les parties rencontre un évènement imprévisible, extérieur au contrat et qui a pour effet de provoquer un bouleversement de l’économie général de celui-ci, elles peuvent saisir le juge administratif pour qu’il rétablisse l’équilibre contractuel et prononce l’indemnisation des préjudices subis.

Conseil d’État, 26 juillet 1918, Époux Lemonnier

Dans cette affaire, une commune à l’occasion de sa fête annuelle propose à ses administrés, une attraction consistant à tirer sur des buts flottants, positionnés sur la rivière traversant la commune. Plusieurs citoyens de la ville, alertèrent alors le maire sur le danger de cette attraction craignant qu’elle porte atteinte à la sécurité des promeneurs alentours. Toutefois, celui-ci décida de ne pas fermer l’attraction. Finalement, un citoyen fut blessé par une balle provenant de l’arme de l’un des tireurs.

Cet arrêt complète la décision rendu par le Tribunal des conflits le 30 juillet 1873 (Arrêt Pelletier). Ainsi, à la place du cumul de fautes distinctes, de service et personnelle, dans le cadre de faits distincts, un même fait peut donner lieu à une faute personnelle dans le cadre du service.

Conseil d’État, 28 février 1919, Dames dol et Laurent

Dans cette affaire, la ville de Toulon pendant la première guerre mondiale, décide de mettre en place des mesures consistant à fermer les commerces et industries plus tôt que prévu. Suite à ces mesures, certains citoyens estiment que leur droit d’aller et venir est restreint et forment donc un recours devant le conseil d’État.

Le Conseil d’État, juge que les impératifs de la défense nationale justifient un accroissement des pouvoirs de l’Administration.

L’assemblée plénière du Conseil d’État, 18 novembre 1949 – Demoiselle Mineur

Dans le cas de l’espèce, le sieur Dessertenne avait reçu mission de livrer de l’essence à Mâcon avec un camion militaire. Lors du chemin retour, il avait détourné la route directe prise durant le chemin aller, pour des fins strictement personnelles. Il a donc utilisait le véhicule de l’Etat pour des fins différentes de celles que comportait son affectation.

De plus, lors du chemin retour, le sieur Dessertenne avait perdu le contrôle du véhicule et heurté violemment l’immeuble de la demoiselle Mineur, en démolissant un pan de mur.

Le Conseil d’État dans cette affaire, juge que lorsque la faute personnelle a été commise sans être dépourvue de tout lien avec le service (utilisation des moyens offerts par le service), les responsabilités pour faute personnelle et pour faute de service peuvent donc être cumulées.

Conseil d’État, 7 juillet 1950 – Arrêt DEHAENE

Dans cette affaire, M.Dehaene, chef de bureau dans une préfecture, avait été suspendu de ses fonctions et s’était vu infliger un blâme en raison de sa participation à une grève à laquelle le ministre de l’intérieur avait interdit aux agents d’autorité de participer. Le Conseil d’Etat devait donc se prononcer sur l’application du droit de grève aux fonctionnaires. Il a jugé que, le droit de grève garanti par la constitution, peut être limité, s’il risque de troubler l’ordre public.

Conseil d’État, 28 mai 1954 – Arrêt BAREL

Dans cette affaire, le secrétaire d’État à la présidence du conseil refusa cinq candidatures au concours d’entrée de l’Ecole nationale d’administration (l’E.N.A). Suite à cette décision, la presse a publié un communiqué selon lequel un membre du cabinet du secrétaire d’État avait déclaré que le gouvernement ne voulait accepter aucun candidat communiste à l’E.N.A.

Le Conseil d’État interdit au sein de l’administration, la discrimination fondée sur des distinctions politiques.

Conseil d’État, 18 décembre 1959 – Arrêt Société des films LUTETIA

Dans cette  affaire, le film «le feu dans la peau » a obtenu le visa nécessaire pour sa diffusion sur l’ensemble du territoire français, par le ministre de l’information. Toutefois, le marie de Nice, a jugé que le film était immoral et a interdit sa projection dans sa commune par un arrêté.

Le Conseil d’État a jugé que, si des circonstances locales particulières le justifient, une autorité de police peut restreindre ou interdire une activité en raison d’immoralité.

CE 8 juin 1973 Arrêt dame PEYNET

Dans cette affaire, Mme. Peynet a été recrutée le 17 septembre 1965 par le Territoire de Belfort en qualité d’infirmière auxiliaire au sein d’un l’Institut médico-pédagogique. Ainsi, elle bénéficiait de la qualité d’agent de droit public. Suite à sa grossesse, elle en informe sa direction. Or, le préfet du Territoire de Belfort a, par un arrêté du 4 août 1967, mis fin à ses fonctions à compter du 5 août 1967.

Le Conseil d’État, va dans cette décision énoncer un nouveau principe général du droit. Il va interdir le licenciement des femmes enceintes.

Conseil d’État, 10 mai 1974 Arrêt DENOYEZ et CHORQUES

Dans cette affaire M. Denoyez et M. Chorques possèdent chacun une résidence secondaire sur l’île de Ré. Ils demandent à ce que leurs soient appliquées soit le tarif applicable aux habitants de l’île, soit à défaut le tarif consenti aux habitants de Charente-Maritime, concernant les passages d’eau. La question est de savoir si l’existence d’un principe de valeur constitutionnelle concernant l’égalité de tous devant les services publics, peut offrir des prestations différentes aux particuliers en fonction de leur lieu de domiciliation ?

Le Conseil d’Etat définit trois situations où la discrimination devant le service public est possible :

  • lorsque la loi le prévoit,
  • entre les usagers, s’ils se trouvent dans une situation qui est objectivement différente,
  • lorsque la discrimination est fondée sur les conditions d’exploitation du service.

Assemblée plénière du Conseil d’État, 20 octobre 1989 – Arrêt NICOLO

Dans cette affaire, monsieur Nicolo, avait déposé un recours en sa qualité d’électeur contre les résultats des élections européennes de l’année 1989. En effet, monsieur Nicolo faisait valoir que les résidents des départements et territoires d’outre-mer avaient participé au scrutin alors que ces derniers ne font pas partie du continent européen. Le Conseil d’État estime cependant que la loi organisant les élections est conforme au traité de Rome. Ainsi, il reconnaît la supériorité des conventions internationales sur les lois antérieures et postérieures et l’obligation pour le juge d’écarter une loi non-conforme à un traité.

Conseil d’État, 2 novembre 1992 – Arrêt EPOUX KHEROUAA

Dans cette affaire, trois filles sont exclues d’un collège par le conseil de discipline pour avoir porté leur foulard islamique dans l’enceinte de l’établissement alors que cela était interdit par une décision du conseil d’administration du collège. Le recteur de l’académie de Créteil a confirmé ces deux décisions. Le Conseil d’État a jugé qu’il était possible de limiter l’exercice de la liberté d’expression religieuse si des conditions particulières le justifient.

Conseil d’État, 27 octobre 1995 – Arrêt Commune de MORSANG sur ORGE

Dans le cas de l’espèce, le patron d’une discothèque afin d’attirer un maximum de clients, organise des « lancer de nains » dont le but est de l’envoyer le plus loin possible pour obtenir un cadeau. Cette pratique constitue une activité professionnelle pour ce « cascadeur ». En effet, il est rémunéré durant cette soirée.

Par cet arrêt, le Conseil d’État ajoute le respect de la dignité humaine dans la composante de l’ordre public.

Conseil d’État, 3 juillet 1996 – Arrêt KONÉ

Dans cette affaire, l’État français a accordé au Mali, par un décret du 17 Mars 1995 pris sur la base de l’accord de coopération en matière de justice conclu avec ce pays le 09 Mars 1962, l’extradition de M. Koné accusé de faits qualifiés par le Code pénal malien de « complicité d’atteinte aux biens publics et enrichissement illicite ».

Cet accord, interdisait seulement l’extradition des personnes réclamées pour des infractions politiques.

Le Conseil d’État a jugé dans sa décision, qu’en vertu d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, l’extradition doit être refusée lorsqu’elle est demandée dans un but politique. Ainsi, les stipulations de l’accord franco-malien doivent être interprétées conformément à ce principe de valeur constitutionnelle et ne sauraient, par suite, limiter le pouvoir de l’État français de refuser l’extradition au seul cas des infractions politiques.

Pour aller plus loin dans les grands arrêts de la jurisprudence

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