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L’URSSAF n’est pas tenue de communiquer à la société cotisante le rapport de contrôle sollicité dès lors qu’elle est a été destinataire de la lettre d’observations conformément aux dispositions de l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale (Amiens. 2° protection sociale. 10 novembre 2022. RG n° 21/02346)
L’article R 243-59 IV alinéa 1 du Code de la sécurité sociale relatif au contrôle URSSAF, comporte une disposition énigmatique suivant laquelle, « à l’issue de la période contradictoire, afin d’engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement, l’agent chargé du contrôle transmet à l’organisme effectuant le recouvrement le rapport de contrôle faisant état des échanges prévus au III ». Pratiquement, ce rapport est un document transmis par l’inspecteur à sa hiérarchie et qui récapitule le déroulement de la vérification (identité de la société, liste des documents consultés, investigations menées, moyens utilisés…) ainsi que la procédure contradictoire. Or, il peut être utile à l’entreprise d’avoir communication de ce document qui peut éventuellement révéler une remise de début de contrôle non formalisée, l’utilisation de clés USB, l’interrogation de tiers à la société…tous éléments dont le cotisant n’est pas toujours informé, qui peuvent constituer une nullité de contrôle et qui n’apparaissent pas nécessairement dans la lettre d’observations.
On comprend dans ces conditions, la réticence de maints organismes de recouvrement (peu transparents) à produire ce document dont le contenu peut se retourner contre eux. Et finalement, la jurisprudence a validé cette attitude par maintes décisions (V. Cass soc. 31 octobre 2000 pourvoi n° 99-13322 suivant lequel l’absence de transmission du procès-verbal à l’employeur n’a pas d’incidence sur la régularité des opérations de contrôle puisque ce document a une simple vocation d’information de l’autorité hiérarchique – V. dans le même sens : Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 8 janvier 2020, RG n° 18/10042, 29 janvier 2021, RG n° 18/19028 – Angers, Chambre sociale, 30 juin 2020, RG n° 17/00655 17/00542, 25 novembre 2021, RG n° 19/00371 19/00373 – Paris, 6, 12, 22 avril 2022, RG n° 18/08863). L’arrêt de la Cour d’Aix en Provence du 10 novembre 2022 ne fait que conforter cette position.
Dès lors, la question est simple : comment vaincre l’inertie des URSSAF en cas de refus de délivrance de ce document au terme de la procédure contradictoire ? On rappellera avec intérêt que les URSSAF étant des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public, les disposition du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), sauf exceptions, trouvent application (CRPA art L 100-3) et les décisions qu’elle prennent et les pièces qu’elle produisent dans le cadre du contrôle de l’application de la législation sur la sécurité sociale sont des documents administratifs au sens de l’article L 300-2 du même code, soumis au droit d’accès. Le principe est que la personne intéressée doit d’abord solliciter l’administration compétente afin communication des pièces souhaitées. Faute de réponse dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande ou en cas de refus (CRPA art R 311-13), l’intéressé pourra formuler sa demande dans le délai de deux mois auprès de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) (CRPA art R 343-1). La commission notifie alors son avis à l’intéressé et à l’administration mise en cause, dans un délai d’un mois à compter de la demande (CRPA art R 343-3). Dans le passé, la CADA a ainsi rendu maints avis favorables sur des demandes de communication de rapports de contrôles par des cotisants suite à des redressements (V. avis 20155558 séance du 17/12/2015 – avis 20162282 séance du 23/06/2016 – avis 20174516 séance du 30/11/2017 – avis 20214106 du 22 juillet 2021). Toutefois, le parcours du combattant du cotisant n’est pas encore achevé. Car encore faut-il que l’organisme accepte suite à cet avis (favorable) de la CADA de délivrer le document sollicité…
En cas de refus ou de silence de l’organisme, le cotisant n’aurait d’autre choix que de mener une action sur la base de l’article 145 du code de procédure civile disposant que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Or, comme l’avait indiqué le Tribunal Judiciaire de Lille, ce rapport est susceptible de renseigner le cotisant sur la manière concrète dont le contrôle a été conduit ; il peut servir au cotisant à vérifier, en complément des informations reprises dans la lettre d’observations, que la procédure de contrôle a été régulière et le renseigner, par exemple, sur le fait de savoir si l’inspecteur a reçu des informations d’autres administrations, sur l’identité des personnes qu’il a pu entendre, sur l’origine de certaines informations, sur la façon concrète dont ont été traitées telles ou telles données…. Le cotisant a donc un intérêt légitime, avant tout procès, à pouvoir se procurer ce document ne serait-ce que pour évaluer la pertinence d’exercer, ou non, une voie de recours (TJ de Lille. Pôle social. 5 avril 2022. RG n° 22/00306)
Bien évidemment, cette procédure peut sembler compliquée…Elle est toutefois la seule permettant de vaincre l’inertie des URSSAF. Et au bout du compte, le jeu n’en vaut-il pas la chandelle…?
Un article de Maître François Taquet