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Comment traiter les éventuelles erreurs de sommes réclamées au cotisant dans la mise en demeure par rapport à la lettre d’observations ?
En l’espèce, les lettres d’observations de l’URSSAF mentionnaient un rappel de cotisations d’un montant de 9 782 euros pour le compte personnel permanent et d’un montant de 1 198 772 euros pour le compte personnel intérimaire, ce qui était repris dans les courriers de réponses de l’URSSAF des 4 octobre et 7 novembre 2019. Les mises en demeures du 22 avril 2021 mentionnaient, quant à elles, un montant de cotisations dues de 9 779 euros pour le compte personnel permanent et de 1 198 768 euros pour le compte personnel intérimaire. Ainsi, il existait bien une différence, de l’ordre de 3 et 4 euros entre les montants mentionnés dans les lettres d’observations et dans les derniers courriers de l’URSSAF par rapport à ceux mentionnés dans les mises en demeure. Or, pour la Cour d’appel d’Amiens, il s’agissait d’une différence minime, laquelle n’avait causé aucun préjudice au cotisant et ne l’avait pas empêché d’avoir connaissance de la cause et de l’étendue de son obligation (Amiens. 2° protection sociale. 23 janvier 2024. RG n° 22/04183)
Beaucoup de décisions concernant les erreurs de contenu de la mise en demeure, nous habituent à des solutions somme toute « laxistes », sous le prétexte que ce document n’est pas un acte de procédure, qu’il ne constitue qu’une simple invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti (V. Cass. soc. 19 mars 1992. Bull. civ. V., n° 204. Cass. soc. 2 décembre 1993. Bull. civ. V. n° 302. 20 octobre 1994. Bull. civ. V., n° 286. 12 octobre 1995. Bull. civ. V. n° 273) et n’est soumis à aucun formalisme particulier (Cass. civ. 10 juin 1960. Bull. civ. II, n° 369). Ainsi, en serait-il d’une différence de montant réclamé deux euros entre la lettre d’observations et la mise en demeure qui ne permettrait pas d’invoquer la nullité de ladite mise en demeure (Metz. 12 janvier 2017. RG n° 15/01642 – 15/01029 – 15/01030 – V. pour une différence de 3 € : Nîmes. 7 mars 2017. RG n° 15/04305, ou 7 € : Amiens. 5 janvier 2017. RG n° 15/02682, ou 8 € : Limoges. Ch. soc. 25 septembre 2017. RG n° 16/00983 – 16/00984 – 16/00987, ou 69 € : Amiens. Ch. soc. 5. Cabinet B. 13 janvier 2015. RG n° 13/02401, ou pour une discordance de 169 € : Amiens. Ch. soc. 26 mai 2015. RG n° 14/04291. V. également : Paris. Pôle 6. Ch. 12. 28 mars 2013. RG n° 12/02561 : différence entre la somme de 18 921,35 € figurant sur la mise en demeure et la somme de 18 993 €, alléguée au terme de la lettre d’observations)
Heureusement, d’autres décisions semblent faire preuve de plus de rigueur. Ainsi, pour la Cour de Rennes, une différence même d’un € entre les observations et la mise en demeure peut entraîner une nullité de cette mise en demeure dès lors que cette différence est inexpliquée (Rennes, 9ème Ch Sécurité Sociale 18 avril 2018 RG n° 16/09507). De même, pour la Cour de Paris : « la discordance entre le montant des cotisations figurant sur la mise en demeure et celui mentionné dans la lettre d’observations [4 €] sans que le moindre élément d’explication n’en soit porté sur la mise en demeure, ne permettait pas au cas d’espèce au cotisant d’avoir connaissance de l’étendue exacte et certaine de son obligation, peu important à cet égard que la différence de montant soit peu importante (Paris. Pôle 6 – Chambre 12. 14 octobre 2022. RG n° 18/05457 V. pour une décision identique de la Cour d’Aix en Provence s’agissant d’une différence de 491 € en défaveur du cotisant : Aix en Provence, Chambre 4-8, 11 mars 2022, n° 20/13201)
Certes, la mise en demeure n’est pas un acte de procédure (Limoges. Ch. soc. 19 mai 2015. RG n° 13/01456). Mais encore faut-il que le document soit suffisamment précis et que le cotisant sache ce qu’on lui réclame. D’ailleurs, l’article L 244-2 al 2 du Code de la sécurité sociale dispose que le contenu de la mise en demeure « doit être précis et motivé ». Sauf à retirer le sens des mots, précis veut dire « exact » selon la définition du Larousse. En outre, la mise en demeure constituant la « décision de recouvrement » (Cass civ.2°. 14 février 2019. pourvoi n° 17-27759 – Nîmes. 5° chambre Pôle social. 15 juin 2023. RG n° 21/01055), il peut sembler pour le moins hasardeux d’inviter le débiteur à payer une dette imprécise, voir fausse. Et dès lors que le montant est en défaveur du cotisant, une telle invitation ne revient elle pas à ce que les organismes s’enrichissent sans cause ? Et même si le montant supplémentaire réclamé était dérisoire, et correspondait à l’application de la règle des arrondis, encore faudrait il que l’organisme s’explique sur l’application de cette méthode (CSS art L 133-10)…
François Taquet Professeur de Droit social (IESEG, SKEMA BS) Avocat, spécialiste en Droit du travail et protection sociale Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA