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L’adresse électronique valide de la Charte du cotisant (www.urssaf.fr) communiquée par l’URSSAF permet à la cotisante de consulter effectivement ce document, fût-ce de manière indirecte en entrant les mots clés « charte du cotisant contrôlé » dans le moteur de recherche interne du site internet de l’URSSAF. Au surplus, la société ne conteste pas qu’elle dispose d’un équipement informatique qui lui permet de consulter cette charte sur la page internet de l’URSSAF, étant encore observé que celle-ci n’a jamais fait part d’une quelconque difficulté de consultation de la Charte jusqu’à la clôture de la procédure de contrôle. Dès lors, la société appelante ne saurait se prévaloir d’une irrégularité du contrôle à ce titre.
En l’espèce, l’intimée considère qu’en se contentant d’indiquer sur la mise en demeure « régime général », sans détailler la nature des cotisations réclamées d’une part, et en omettant de viser les redressements en matière de FNAL et de CSG et de CRDS d’autre part, l’URSSAF a non seulement porté des mentions insuffisantes sur les deux mises en demeure mais encore a manqué à son obligation de faire connaître précisément la nature des sommes mises en recouvrement. Au cas d’espèce, la cour considère que la mention « Contrôle. Chefs de redressement notifiés par lettre d’observations du 25/02/19. Article R243.59 du code de la sécurité sociale » indiquée dans les deux mises en demeure litigieuses renseigne suffisamment le cotisant sur la cause de son obligation (Colmar. Chambre 4 SB. 26 janvier 2023. RG n° 20/03524)
C’est la question que l’on est légitimement en droit de poser suite à la lecture de l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar.
▪ On se souvient qu’avant le décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, la Charte du cotisant « présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue » devait être remise à la personne contrôlée dès le début du contrôle et devait préciser l’adresse électronique où le document était consultable. Dans le but de simplifier la vie aux organismes de recouvrement, le décret précité a aboli toute remise physique de la charte, l’avis de contrôle devant se contenter de préciser l’adresse électronique où ce document approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable et indiquer qu’il est adressé au cotisant sur sa demande (CSS art R 243-59 I al 5)
Toutefois, cette obligation d’information semble encore trop compliquée pour certaines URSSAF. Certains avis de contrôle se contentent en effet d’indiquer que ladite charte peut-être consultée, de manière générale, sur le site http://urssaf.fr et qu’à la demande du cotisant, ce document peut lui être adressé. Cette vague mention de site http://urssaf.fr, sans mention de lien direct pour la consultation de ladite charte, est-elle suffisante ?
On se souvient que la Cour de Rouen avait répondu négativement à cette question après avoir relevé que l’adresse électronique indiquée dans l’avis de contrôle ne permettait pas de consulter « aisément » le document avant le début des opérations de contrôle. L’URSSAF, qui est débitrice de l’obligation de porter à la connaissance du cotisant contrôlé le contenu de la charte, ne pouvait reprocher au cotisant de ne pas avoir sollicité la communication de celle-ci, ni se prévaloir utilement de ce que la charte est accessible sur le site « service public.fr ».
C’est dès lors à juste titre que le tribunal avait dit que l’avis de contrôle était nul et de nul effet, ce qui emportait annulation des opérations de contrôle, de redressement et de recouvrement subséquentes ainsi qu’annulation des décisions de rejet des nouvelles demandes de remise des majorations de retard, ces majorations n’ayant plus de fondement (Rouen. Chambre sociale. 14 décembre 2022. RG n° 20/02180).
C’est bizarrement à une conclusion inverse à laquelle aboutit la Cour de Colmar (V. dans le même sens : Angers 25 août 2022 RG no 20/00362), cette dernière estimant que l’adresse électronique valide communiquée par l’URSSAF permettait à la cotisante de consulter effectivement ce document, fût-ce de manière indirecte en entrant les mots clés « charte du cotisant contrôlé » dans le moteur de recherche interne du site internet de l’URSSAF. Au surplus, la société ne contestait pas qu’elle disposait d’un équipement informatique qui lui permettait de consulter cette charte sur la page internet de l’URSSAF, étant encore observé que celle-ci n’avait jamais fait part d’une quelconque difficulté de consultation de la Charte jusqu’à la clôture de la procédure de contrôle. Dès lors, la société appelante ne pouvait se prévaloir d’une irrégularité du contrôle à ce titre.
Décision pour le moins étrange au milieu d’une discipline où les URSSAF ont des prérogatives exorbitantes du droit commun, où les droits des usagers sont trop souvent réduits à la portion congrue….Logiquement devrait on en tirer la conclusion que la protection du « maillon faible » qu’est l’usager devrait aller de soi et que son information devrait être facilitée….Toutefois, ce raisonnement ne semble pas partagé…
▪ Un autre argument du cotisant était de dire que la mise en demeure qui visait le « régime général », sans détailler la nature des cotisations réclamées et qui omettait de viser les redressements en matière de FNAL et de CSG et de CRDS, n’était pas valable. Là encore, le juge estime que le document renseigne suffisamment le cotisant sur la cause de son obligation. Cette position n’est pas sans susciter de grandes réserves.
En effet, par l’arrêt Deperne, et ce pour la première fois, la chambre sociale fixait le formalisme minimum que devait comporter la mise en demeure : « la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation; qu’à cette fin il importe qu’elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice » (Cass soc. 19 mars 1992. pourvoi n° 88-11682 – cette position a été reprise à l’article inscrit dans l’article R 244-1 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale).
On notera cette position très ferme de la chambre sociale suivant laquelle ce formalisme doit être respecté « à peine de nullité », « sans que soit exigée la preuve d’un préjudice » (position contraire à celle de l’article 114 alinéa 2 du Code de procédure civile, suivant lequel « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public »).
Ainsi, conformément à l’arrêt Deperne, il parait évident d’affirmer que l’organisme de recouvrement est lié par le contenu indiqué dans la rubrique Nature des sommes réclamées et que dès lors que celui-ci est insuffisant ou inexact, la mise en demeure doit être annulée « sans que soit exigée la preuve d’un préjudice ». Or, en l’espèce, apparaissait dans le cartouche « nature des cotisations », la mention « régime général ». Toutefois, on sait que ledit régime est défini à l’article L 200-1 du Code de la sécurité sociale et couvre un certain nombre de risques : maladie, vieillesse, prestations familiales, protection universelle maladie, autonomie…
Elle ne saurait donc concerner des contributions FNAL ou du versement transport qui sont certes recouvrées par les URSSAF mais ne constituent pas pour autant des cotisations du « régime général » (rappelons ainsi que la contribution FNAL, est recouvrée par l’URSSAF, mais constitue un impôt : décision du 18 décembre 2014 n° 2014-706 DC ; il en est de même de la CSG crée par la loi de finances n° 90-1168 du 29 décembre 1990 qui est considéré par le Conseil constitutionnel français comme un impôt : décision 90-285 DC du 28 décembre 1990, décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000).
Ainsi, si la simple mention « régime général » sans aucune précision n’invalide pas systématiquement une mise en demeure, dès lors que la mention est exacte (Cass civ.2°. 12 mai 2021. pourvoi n° 20-12265, Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 23 septembre 2022, RG n° 21/07818), en revanche, la mention d’informations incomplètes ou fausses vicie logiquement le document.
Certes, on peut admettre le souhait des organismes de recouvrement de simplifier les mentions de la mise en demeure …mais cela ne doit pas se faire au détriment de la compréhension du document que le cotisant est en droit d’attendre…Et il est patent que la référence à la lettre d’observations ne saurait être d’aucun secours puisque c’est le label même de « régime général » qui est inexact…
Aurait-il été omis ici, par la Cour d’appel de Colmar, que le contenu de l’avertissement ou de la mise en demeure « doit être précis et motivé » (CSS art L 244-2 al 2) ?