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Devant la banalisation de la notion de travail dissimulé, il est pour le moins important de s’intéresser au respect de la procédure mise en œuvre par l’URSSAF. Dans un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour d’appel de Rennes fait œuvre de pédagogie en rappelant que la lutte contre le travail dissimulé par les agents de l’URSSAF peut emprunter deux voies distinctes : l’une qui s’inscrit dans le cadre d’un contrôle classique que l’organisme peut opérer sur le fondement de l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale et qui peut conduire les agents à procéder à un redressement des cotisations et contributions en raison d’un travail dissimulé ; l’autre qui découle des dispositions des articles L. 8271-1 et suivants du code du travail qui habilite les agents de l’URSSAF à directement rechercher et constater des infractions en matière de travail illégal qui comprend le travail dissimulé. Ces voies sont indépendantes et aucune bifurcation n’est possible (Rennes, 9° chambre sécurité sociale, 21 septembre 2022, RG n° 19/04728)
Cette décision n’est pas sans rappeler ce qu’avait déjà dit la 2° chambre civile : « si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l’article L 8211-1 du Code du travail est soumise aux articles L 8271-1 et suivants du même Code, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’un organisme de recouvrement procède, dans le cadre du contrôle de l’application de la législation de sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par l’article L 243-7 du Code de la sécurité sociale, à la recherche des infractions susmentionnées aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes » (Cass civ.2°. 7 novembre 2019. pourvoi n° 18-21947 – 7 juillet 2016 pourvoi n° 15-16110 – 9 novembre 2017 pourvoi n° 16-23484).
L’URSSAF doit donc choisir sa voie, sans possibilité de bifurcation ! C’est ce que la Cour de cassation a rappelé par plusieurs décisions. Elle a ainsi décidé que « les dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables aux opérations ayant pour objet la recherche et la constatation d’infractions constitutives de travail illégal, engagées sur le fondement des articles L. 8271-1 et suivants du code du travail » (Cass civ. 2°. 9 octobre 2014 pourvoi n° 13-19493). Et inversement, elle a statué dans un arrêt du même jour que le cotisant ne pouvait invoquer le bénéfice des modalités et garanties propres à l’une des procédures de contrôle si les opérations avaient été menées en application de l’autre procédure (Cass civ. 2°. 9 octobre 2014 pourvoi n° 12-28958)
L’intérêt de cette distinction n’est pas neutre, lorsque l’on sait que les garanties données par les articles L 8271-1 du Code du travail et L 243-7 et R 243-59 du Code de la sécurité sociale, ne sont pas identiques. Ainsi, par exemple, dans le cadre des articles L 8271-1 du Code du travail, les agents de contrôle sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée afin de connaître la nature de ses activités (C trav art L 8271-6-1) ; en revanche, s’agissant des articles L 243-7 et R 243-59 du Code de la sécurité sociale, l’URSSAF ne peut entendre des salariés dans ses locaux et non dans les locaux de la société contrôlée (Rennes, 9° chambre sécurité sociale, 22 septembre 2021, RG n° 18/00387). C’est donc à une analyse minutieuse de la procédure qu’il faudra procéder…Sachant que bien souvent le salut du cotisant ne pourra venir que d’un vice de forme. Mais n’est-ce pas Rudof von Jhering qui écrivait : « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté » ?