Contrôle URSSAF :  du formalisme de la lettre d’observations !

Publié le 17 décembre 2024

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La lettre d’observations que l’URSSAF doit adresser au cotisant à l’issue du contrôle doit être signée par la totalité des inspecteurs du recouvrement ayant participé au contrôle. Dès lors qu’un autre inspecteur (référent régional en matière de lutte contre le travail dissimulé) a signé le courrier de convocation à une audition du président de la société, a participé à cette même audition et a signé le procès-verbal, sans qu’il n’ait signé la lettre d’observations, la procédure est irrégulière (Poitiers. Chambre sociale. 25 juillet 2024. RG n° 21/01425)

La position de la jurisprudence est connue. Puisque les inspecteurs doivent, au terme du contrôle, faire parvenir au cotisant « une lettre d’observations datée et signée par eux » (CSS art R 243-59 III al 1) et que les dispositions de ce même article R 243-59 doivent être appliquées strictement (Cass soc. 28 novembre 1991, n° 89-11287, Cass civ. 2°. 10 mai 2005, n° 04-30046, 19 septembre 2019, n° 18-19929), il en ressort logiquement que la lettre d’observations doit comporter autant de signatures que d’agents ayant participé au contrôle. Et cette formalité présente un caractère substantiel, si bien que son inobservation entache de nullité les opérations de contrôle, ainsi que les redressements et la mise en demeure subséquents (Cass civ.2. 6 novembre 2014. pourvoi n° 13-23990. Rennes. Ch. 09. Ch. Sécurité sociale. 4 juin 2014. RG n° 13/0500.  Reims. Ch. soc. 1er juillet 2015. RG n° 13/02069. Aix-en-Provence. Ch. 18. 1er avril 2016. RG n°14/18986. Paris. Pôle 6. Ch. 12. 3 novembre 2016. RG n° 15/12887. Paris. Pôle 6. Ch. 12. 20 avril 2017. RG n° 15/11268 15/11270. Aix-en-Provence, 25 janvier 2017. Pourvoi n° 16/04986. Montpellier. 4e B. Ch. soc. 20 septembre 2017. RG n° 16/03460. Besançon. Ch. soc. 20 novembre 2018. RG n° 18/00659 – Cette jurisprudence trouve également application en matière de travail dissimulé : Versailles. Ch. 5. 14 janvier 2016. RG n° 13/03299 – 13/03403)

Qui plus est, on relèvera que l’article R 243-59 III al 1 vise « les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 » (on mentionnera avec intérêt qu’avant le décret n° 2016-941 du 9 juillet 2016, cette obligation de signature mentionnait les « les inspecteurs du recouvrement », puis « les agents chargés du contrôle » et depuis le décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017 « les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 »). Quant à l’article L 243-7 du Code de la sécurité sociale, il vise le cadre du contrôle qui est mené par des agents « assermentés et agréés » (d’ailleurs, il a été jugé que l’irrégularité ou l’omission de la formalité d’agrément ou d’assermentation privait les agents de leur pouvoir de contrôle, et, dès lors, entraînait la nullité de tous les actes postérieurs qui en sont la conséquence (Cass civ.2°.  12 mai 2021, pourvoi n° 20-11941 – Rennes. 9ème Ch Sécurité Sociale. 4 janvier 2023. RG n° 20/06289, Amiens. 2° protection sociale. 3 juin 2024. RG n° 21/05133, TJ d’Avignon. Contentieux de la protection sociale. 28 mars 2024. RG n° 22/00416)

Il est intéressant de noter que la jurisprudence ne prend pas en considération uniquement les agents ayant mené le contrôle mais aussi toute personne ayant participé à la vérification de manière active, ne serait-ce que passagèrement (V. ainsi : Paris, 6, 12, 4 mars 2022, RG n° 18/05416 dans une affaire où une salariée d’une union de recouvrement avait élaboré et cosigné des courriers de demande de documents (solidarité financière), n’apportant pas un simple appui administratif ou TJ de Lyon. CTX PROTECTION SOCIALE. 12 juillet 2024. RG n° 21/00508 où des agents qui n’avaient pas signé la lettre d’observations avaient exercé le droit de communication auprès des établissements bancaires d’un cotisant et avaient rédigé le procès-verbal d’audition libre).

L’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers va dans le même sens. Dès lors que l’inspecteur (référent régional en matière de lutte contre le travail dissimulé qui était venu porter assistance à ses collègues) avait signé la lettre de convocation à l’audition du Président de la société, participé à cette audition, signé et paraphé le procès-verbal, il s’agissait bien d’actes d’enquête accomplis lors du contrôle de l’URSSAF. Dès lors, l’intéressé se devait de signer la lettre d’observations et ce même s’il n’avait pas été désigné comme inspecteur en charge de ce contrôle.
 
François Taquet Professeur de Droit social (IESEG, SKEMA BS)
Avocat spécialiste en Droit du travail et protection sociale Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA