Contentieux URSSAF : de l’obligation de motivation de l’opposition à contrainte

Publié le 4 septembre 2024

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Dans le cadre de l’opposition à contrainte, le cotisant explique ne pas être en mesure de payer la somme réclamée par l’organisme.  Il a donc précisé pour quelle raison il s’opposait à régler le montant de cotisations. Cela correspond à une motivation, étant rappelé qu’il importe peu, au regard de la recevabilité, de savoir si les motifs de l’opposition sont bien ou mal fondés. En conséquence, l’opposition est recevable (Tribunal judiciaire de Lyon. CTX PROTECTION SOCIALE. 28 juin 2024. RG n° 23/01144)

Suivant l’article R. 133-3 al. 3 du Code de la Sécurité sociale, le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal judiciaire dans le ressort duquel il est domicilié, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la signification. L’opposition doit être motivée.

On mentionnera toutefois que le Cour de cassation a décidé que qu’une contrainte non motivée était recevable, dès lors que l’acte de signification ne mentionnait pas que cette opposition devait être motivée « sous peine d’irrecevabilité » (Cass. 2e civ., 23 mars 2004, pourvoi no 02-30119).

Qui plus est, comment faut-il interpréter la notion de « motivation » ?

Certes, ne sauraient être considérées comme « motivées » les oppositions ainsi libellées : « J’ai l’honneur de former opposition à une contrainte en date du 15 mai 2009, signifiée le 27 mai 2009 pour un montant en principal de 46 858,78 euros. Je vous remercie de nous convoquer à toute audience que vous souhaiterez » (Paris. Pôle 6. Ch. 12. 13 octobre 2011. RG n° 09/10232). De même, la formule de style employée par la cotisante dans l’acte d’opposition formée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe du tribunal qui indique que « la créance de l’organisme est contestée dans son principe » ne fait état d’aucun moyen de fait ou de droit au soutien de l’opposition qui doit dès lors être déclarée irrecevable (Amiens. 2° protection sociale. 2 mars 2023. RG n° 21/00653 – Nîmes. 5e Ch. Pôle social. 21 mars 2023. RG n° 20/01508). De la même manière, n’est pas motivée une opposition à contrainte qui indique que « la dette est contestée en son principe comme en son quantum » (Colmar, Ch. soc. section SB, 22 octobre 2020, RG n° 19/00357) ou qui se contente d’indiquer : «suite à la signification de contrainte du 14 novembre 2016, je fais une demande d’opposition devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale auprès de votre service» (Nîmes, Ch. soc., 8 décembre 2020, RG n° 18/00134) ou, « je viens par la présente former opposition à la contrainte » (Lyon, Protection sociale, 15 décembre 2020, RG n° 19/05992) ou encore, « Motif de la contestation » uniquement le mot « contester » (Paris, Pôle 6 Ch. 12, 18 décembre 2020, RG n° 17/13282). N’est pas encore motivée l’opposition à contrainte ainsi libellée : « je fais par la présente opposition à contrainte signifiée le 17/04/2018 par la SCP … pour l’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes- Côte d’Azur suite à une mise en demeure portant le n° … en date du 02/03/2018» (Nîmes, Ch. soc., 5 avril 2022, RG n° 19/02689). De même, ne répond pas à l’obligation de motivation le débiteur énonçant simplement dans le cadre de l’opposition à contrainte « qu’il conteste le montant réclamé » sans autre argument de fait ou de droit (Caen. 2e Ch. soc. 27 avril 2023. RG n° 20/00459)….

En revanche, sont suffisamment motivées les oppositions suivantes : opposition au motif que « les bases de calcul de l’organisme sont erronées » (Caen. Ch. soc. Section 3. 7 mars 2019. RG n° 15/02631), ou « la procédure suivie pour l’édition de la contrainte est irrégulière, les créances, causes de la contrainte sont contestées en intégralité » (Montpellier.3° Ch. soc. 14 décembre 2022. RG n° 17/04808) ou encore cette opposition : « Je conteste le montant demandé ainsi que les périodes et je demande le détail ». L’expression des raisons du désaccord formulé par la cotisante pour régler les sommes mentionnées sur la contrainte signifiée contient, même de façon succincte, les motifs du recours exercé (Aix en Provence, Ch. 4-8, 29 avril 2022, RG n° 18/17978 – Montpellier, 3°Ch. soc., 8 juin 2022, RG n° 17/01476).

Le jugement du 28 juin 2024 est clairement à inscrire dans cette dernière logique. Par le simple fait que le cotisant indiquait une motivation brève et même non juridique, l’obligation posée par l’article R 133-3 du Code de la sécurité sociale était respectée.

Deux points seront en outre ajoutés. A ce stade, il importe peu, au regard de la recevabilité de l’opposition à contrainte, de savoir si les motifs de l’opposition sont bien ou mal fondés. Qui plus est, le cotisant qui fait opposition n’a pas l’obligation, au moment du dépôt de son recours, de faire valoir l’ensemble des moyens qu’il entend développer, de sorte qu’un seul moyen suffit à établir la motivation de l’opposition (Versailles. Ch. 5. 14 novembre 2019. RG n° 18/02690)


François Taquet Professeur de Droit social (IESEG, SKEMA BS)
Avocat spécialiste en Droit du travail et protection sociale Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA