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Le redressement opéré par une URSSAF à l’encontre d’un cotisant doit être annulé au seul motif qu’elle a procédé à des investigations en utilisant des éléments de facturation concernant l’activité du cotisant recueillis lors d’un contrôle relatif à cette société sans respecter les règles du droit de communication pour ces seuls éléments (Paris. Pôle 6 – Chambre 13. 1° mars 2024. RG n° 21/05825)
On sait que le contrôle URSSAF vise l’entreprise en non le groupe. Toutefois cette approche a été atténuée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022). En effet, dans le cadre du contrôle d’une société appartenant à un groupe (la notion de groupe est entendue comme l’ensemble des personnes entre lesquelles existe un lien de détention ou de contrôle au sens des articles L. 233‑1 et L. 233‑3 du code de commerce), l’agent de contrôle peut, « afin de limiter les procédures redondantes » (V. Exposé des motifs du projet de loi), et à condition d’en informer la société contrôlée, utiliser les documents et informations obtenus lors du contrôle d’une autre entité du même groupe.
Le but est ici de faciliter l’utilisation par les URSSAF des informations obtenues auprès de plusieurs entités appartenant à un même groupe alors que la jurisprudence imposait jusqu’alors que l’agent recoure, dans ce cas, à la procédure du droit de communication prévue à l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale (V. Cass civ. 2°. 7 janvier 2021, pourvoi n° 19-19395 ainsi que le présent arrêt).
Relevons toutefois que ces dispositions ne permettent pas à un inspecteur contrôlant une société appartenant à un groupe d’aller rechercher, au cours de la vérification, des informations ou documents auprès d’une autre entité de ce groupe ; la loi leur donne uniquement la faculté d’« utiliser les documents et informations » obtenus lors des contrôles des autres entités du groupe.
Ce nouveau droit des agents de contrôle est assorti de quelques garanties pour le cotisant :
– l’agent de contrôle doit informer la personne contrôlée de la teneur et de l’origine des documents ou informations obtenus sur lesquels il se fonde ;
– la personne contrôlée peut obtenir une copie de ces documents sur simple demande et elle est informée préalablement de cette faculté.
L’article R 243-59-10 du Code de la sécurité sociale (décret n° 2023-262 du 12 avril 2023), précise que lorsque l’agent de contrôle utilise des documents ou informations dans ces conditions, il doit indiquer dans la lettre d’observations :
▪ la nature de ces documents ou informations ;
▪ leur contenu ou les éléments d’information sur lesquels il s’appuie pour fonder son redressement ;
▪ la référence au contrôle et l’identité de la ou des personnes du même groupe d’où proviennent ces documents ou informations.
La lettre d’observations doit également mentionner la possibilité, pour la personne contrôlée, de demander une copie de ces documents.
Lorsque la personne contrôlée a demandé une copie des documents dans le délai imparti pour répondre à la lettre d’observations (30 ou 60 jours à compter de sa réception), la période contradictoire ne prend fin qu’à la date d’envoi de la copie, sauf si cette date est antérieure à celle de la réponse de l’agent de contrôle URSSAF au cotisant.
Ainsi, s’il est désormais possible pour une URSSAF d’utiliser les documents et informations obtenus lors des contrôles des autres entités du groupe, force est de constater que cette liberté est très encadrée !
Et il est évident que le moindre faux pas de l’organisme de recouvrement pourrait entraîner la nullité de la vérification
François Taquet Professeur de Droit social (IESEG, SKEMA BS) Avocat,
spécialiste en Droit du travail et protection sociale Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA