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Date de mise en ligne : 27 avril 2022
Patrick Lingibé, Vice-Président de la Conférence des Bâtonniers de France, décrypte pour vous le décret du 25 Avril 2022.
Un décret n° 2022-656 du 25 avril 2022 renforçant la prise en compte des intérêts des victimes au cours de la procédure pénale a été publié au Journal Officiel du mardi 26 avril 2022.
Ce texte précise et complète les droits des victimes au cours de la procédure pénale.
Nous nous limiterons à mettre en exergue quatre avancées essentielles portées par ce décret dédié aux droits des victimes.
1° Une avancée pratique dans l’évaluation des victimes de violences au sein du couple ou de violences sexuelles et sexistes au travers des associations d’aide aux victimes.
L’article D. 1-10 du code de procédure pénale est remplacé par de nouvelles dispositions.
Aux termes de la nouvelle rédaction, lorsque le procureur de la République ou le juge d’instruction estime approprié de faire procéder à une évaluation approfondie, celle-ci est réalisée par une association d’aide aux victimes disposant d’un agrément de compétence générale en application de l’article D. 1-12-1 du code de procédure pénale.
Il convient de rappeler que les associations d’aide aux victimes ont vocation à assurer une aide et un accompagnement des victimes d’infraction pénale.
Il est indiqué qu’en cas de violences au sein du couple ou de violences sexuelles et sexistes, l’évaluation peut être réalisée par les professionnels de l’association agréée qui sont spécialement formés à la prise en charge des victimes de ces infractions, qu’il s’agisse d’une association agréée, en application de ce même article, au titre de sa compétence générale ou au titre de sa compétence spécialisée.
2° Les suites d’un classement sans suite par le procureur et le devoir d’information de la victime.
Le décret insère un nouvel article D. 15-3-2 du code de procédure pénale.
Aux termes de cet article lorsqu’en application de l’article 40-2 du code de procédure pénale, le procureur de la République doit aviser une victime de sa décision de classement sans suite.
Il doit désormais l’informer également qu’elle peut demander une copie du dossier de la procédure, en application du 2° de l’article R. 155 du code de procédure pénale.
Pour rappel, ce dernier texte dispose :
« En matière criminelle, correctionnelle et de police, hors les cas prévus par l’article 114, il peut être délivré aux parties :
1° Sur leur demande, expédition de la plainte ou de la dénonciation des ordonnances définitives, des arrêts, des jugements, des ordonnances pénales et des titres exécutoires prévus à l’article 529-2, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
2° Avec l’autorisation du procureur de la République ou du procureur général selon le cas, expédition de toutes les autres pièces de la procédure, notamment, en ce qui concerne les pièces d’une enquête terminée par une décision de classement sans suite. Toutefois, cette autorisation n’est pas requise lorsque des poursuites ont été engagées ou qu’il est fait application des articles 41-1 à 41-3 et que la copie est demandée pour l’exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile. »
3° Le nettoyage de scène de crime ordonné d’office par le procureur ou le juge d’instruction.
Aux termes de l’article D. 15-3-3 du code de procédure pénale, lorsqu’un crime prévu par les articles 221-1 à 221-4 et 222-1 à 222-10 du code pénal a été commis, sur le territoire national, dans des locaux privés d’habitation, le procureur de la République peut décider, au titre des frais mentionnés au 6° de l’article R. 92 du code de procédure pénale, de requérir une entreprise pour procéder à des travaux techniques de nettoyage des lieux dès lors qu’il n’est plus nécessaire de laisser ceux-ci en l’état pour les besoins de la procédure en cours, notamment après qu’il a été procédé à une reconstitution.
De même, si une information est toujours en cours, ces réquisitions ne peuvent intervenir qu’avec l’accord préalable du juge d’instruction ou à sa demande, sans préjudice de la possibilité pour ce magistrat de prendre lui-même ces réquisitions en application de l’article D. 32-2-4.
Dans la même optique, le nouvel article D. 32-2-4 du code de procédure pénale prévoit lorsqu’un crime prévu par les articles 221-1 à 221-4 et 222-1 à 222-10 du code pénal a été commis, sur le territoire national, dans des locaux privés d’habitation, le juge d’instruction peut décider, au titre des frais mentionnés au 6° de l’article R. 92, de requérir une entreprise pour procéder à des travaux techniques de nettoyage des lieux dès lors qu’il n’est plus nécessaire de laisser ceux-ci en l’état pour les besoins de la procédure en cours, notamment après qu’il a été procédé à une reconstitution.
Ces nouvelles dispositions évitent ainsi que les frais de nettoyage d’un crime soient à la charge de la famille de la victime déjà fortement traumatisée et endeuillée.
4° La multi diffusion d’une audience pénale dans plusieurs salles d’audience géographiquement éclatées en faveurs des victimes.
Aux termes du nouvel article D. 45-1-4-1 du code de procédure pénale, le président du tribunal judiciaire ou le premier président de la cour d’appel peut décider qu’une audience de la cour d’assises qui se déroule publiquement en application de l’article 306 sera retransmise en direct dans plusieurs salles d’audience de la juridiction, si l’intérêt de la bonne administration de la justice le justifie.
Il est indiqué que s’’il s’agit de l’audience d’une cour d’assises disposant d’une compétence spécialisée qui s’étend aux ressorts d’autres juridictions, il peut décider que cette audience sera retransmise en direct dans une ou plusieurs salles d’audience de la juridiction dans le ressort duquel les faits ont été commis, avec l’accord du président de cette juridiction.
La décision de retransmission de l’audience est portée à la connaissance des parties.
Elle constitue une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours.
Dans la même optique, il est également inséré un nouvel article D. 45-2-1 bis du code de procédure pénale, que dispose le président du tribunal judiciaire peut décider qu’une audience du tribunal correctionnel qui se déroule publiquement en application de l’article 400 sera retransmise en direct dans plusieurs salles d’audience de la juridiction, si l’intérêt de la bonne administration de la justice le justifie.
S’il s’agit de l’audience d’un tribunal correctionnel disposant d’une compétence spécialisée qui s’étend aux ressorts d’autres tribunaux judiciaires, il peut décider que cette audience sera retransmise en direct dans une ou plusieurs salles d’audience du tribunal judiciaire dans le ressort duquel les faits ont été commis, avec l’accord du président de cette juridiction.
Cette décision de retransmission de l’audience est portée à la connaissance des parties et constitue également une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours.
Cette disposition permettra donc à des victimes et au public présents dans différents lieux géographiques d’assister à un procès particulier sans avoir besoin de se déplacer.
5° La date d’application des dispositions décrétales.
Ce texte en vigueur à compter du mercredi 27 avril 2022.
Cependant, les dispositions de l’article D. 15-3-2 du code de procédure pénale relatives à la copie de dossier à la victime d’une plainte sans suite entrera en vigueur à compter du 30 septembre 2022.
Patrick Lingibé, Vice-Président de la Conférence des Bâtonniers de France, Ancien membre du Conseil National des Barreaux et Membre du réseau interprofessionnel Eurojuris.
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