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Warren, quel est ton parcours ?
Attaché d’enseignement et de recherche à l’Université de Droit et de Science Politique d’Aix-Marseille, j’y soutiendrai dans quelques mois une thèse en droit privé et en sciences criminelles, pour l’obtention du titre de docteur, dans laquelle je modélise depuis cinq ans des décisions de justice par des méthodes de machine learning. Issu d’un Master II de droit spécialisé en lutte contre la délinquance financière, réalisé au Centre d’Études des Techniques Financières et d’Ingénierie, j’ai eu l’occasion de mobiliser des algorithmes d’apprentissage automatisé dans le cadre de compliance bancaire, d’analyse de flux de capitaux et de détection de fraude.
J’ai renforcé ma formation par deux certifications, l’une en machine learning et big data (Université de San Diego), la seconde en programmation avec spécialisation en science des données (Université John Hopkins). Si mes travaux de recherche portent essentiellement sur les systèmes de traitement automatisé de données, je contribue régulièrement à une recherche plus classique en droit positif par la publication d’articles et de notes jurisprudentielles pour divers éditeurs juridiques, principalement en cybercriminalité, droit pénal des affaires, droit pénal général et en procédure pénale.
Quelle est ta vision du projet Juri’Predis ?
Juri’Predis est une opportunité. Pour reprendre à mon compte la formulation d’A. M. Turing, je dirais que son intelligence artificielle permet de tracer une ligne nette entre les capacités d’une machine et celles d’un homme. Son moteur de recherche permet de comprendre une réalité judiciaire à partir de toute la jurisprudence disponible sur une question. L’utilisateur ne voit plus seulement ce qu’on lui donne à voir, mais ce qui doit être observé dans son ensemble. Il est question ici d’une aide pour le juriste et non de son remplacement, bien malheureux sera celui partant du postulat inverse.
Juri’Predis est un outil indispensable pour le développement du droit et pour la mise en lumière d’une pratique existante, soit qu’il s’agisse d’une jurisprudence constante, soit que l’on identifie non pas un cas unique, mais le cas unique, permettant ainsi d’assurer une représentation efficiente des intérêts du justiciable dans tout type de contentieux.
Que penses-tu de la mutation du droit ?
Le droit et sa pratique ont connu une telle mutation ces dernières années que nous ne pouvons plus feindre de l’ignorer. Il ressort du terrain que l’institution judiciaire fait l’objet de nouvelles exigences gestionnaires, ce que certains chercheurs ont qualifié de mise en place d’un « processus de rationalisation ». Cette managérialisation de la justice a modifié les priorités judiciaires au profit de ce qui serait un meilleur arbitrage du triptyque coût, qualité, et temps. Les Conseils ont besoin de temps, et doivent pour cela rompre avec une quantité de tâches tout aussi chronophages qu’énergivores.
Les outils algorithmiques permettront d’adopter de nouvelles stratégies qui dépassent bien souvent la seule question du raisonnement juridique. Par cette rencontre de l’intelligence artificielle, que la machine ne tient que de ce que l’humain lui donne, et d’une intelligence naturelle, le juriste pourra remettre au cœur de son activité la mobilisation de son savoir expertal afin de faire preuve d’une meilleure créativité et réactivité juridique.
A l’heure où la compression du temps et des moyens est arrivée à son paroxysme, la rupture des frontières disciplinaires par le soutien des algorithmes permettra à l’avocat de faire preuve d’une performance d’acier doublée d’une précision de fer.