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Suis-je compréhensible pour mes clients ou mes collègues non juristes ? Voilà la question autour de laquelle s’articule le concept du LegalDesign. En plein essor en France, ce dernier compte des acteurs tels que Marie Potel-Saville, Miroslav Kurdov, Sacha Gaillard, le Baron du Droit, Think LED d’Open Law et l’association Legal Design Assas Paris.
Le Legal Design est un ensemble de méthodes permettant de concevoir des documents et des services juridiques compréhensibles. Le Droit s’avère souvent complexe surtout lorsqu’il s’agit du droit procédural. L’objectif est de faciliter la communication de la compréhension du Droit entre les initiés et les non-initiés (par exemple entre l’avocat et son client, le service juridique et les autres services de l’entreprise, le notaire et son client, le professeur de Droit et ses étudiants ou encore l’Etat et ses citoyens).
Il apporte une nouvelle modalité de relation entre le juriste et son client. Bien que les juristes avocats peuvent se montrer réticents aux supports d’informations juridiques trop accessibles, le Legal Design semble néanmoins se faire une place au sein du milieu juridique.
En effet, les avantages du Legal Design peuvent être immédiatement perçus par les juristes. Un bon schéma économise des heures de discussion et ce temps gagné sert à optimiser la relation client.
Lorsqu’un juriste donne des informations claires sur le parcours juridique de son client, il a pour objectif de rassurer, d’instaurer une relation de confiance et de démontrer son expertise.
En résumé, se constituer une collection de schémas et de diagrammes sur les principaux sujets d’intervention permet d’économiser du temps, de mieux informer et de se distinguer de la concurrence.
Le Legal Design comme base de toutes les Legaltechs
« Le point de départ de la création de services juridiques qui font un usage intense de technologies (legal tech) est, en premier lieu, de s’intéresser à l’utilisateur et à ses véritables besoins. Le legal design suppose de remettre l’utilisateur au milieu de la relation. » Miroslav Kurdov, SketchLex
Si l’on s’intéresse à certaines catégories de Legal start-ups, on peut observer comment ces dernières cherchent à correspondre aux besoins réels des utilisateurs, à travers :
- La rédaction de documents juridiques assistée par des questionnaires à choix multiples et des formulaires à remplir ;
- L’accomplissement de formalités en ligne;
- Des outils d’aide à la prise de décision;
- L’accès à des ressources documentaires.
L’objectif final est d’apporter un service valorisé pour et par l’utilisateur.
(Miroslav Kurdov, SketchLex)
Le Legal Design, une nouvelle manière de faire du Droit
Le numérique et la digitalisation imprègnent toute l’activité économique et s’apprêtent à modifier les écosystèmes dans lesquels les juristes évoluaient jusqu’alors. Ces évolutions impliquent de repenser le rôle de ce dernier et sa manière de faire du droit. Le juriste n’est plus considéré comme étant une fonction support travaillant en vase clos, qui ne serait qu’un sachant du Droit. Il est aujourd’hui, au sein de l’entreprise, considéré comme un vrai business partner, associé aux projets et aux décisions stratégiques de celle-ci. Néanmoins, véhiculer des idées et des concepts juridiques à des non-juristes n’est pas toujours la mission la plus simple, et relevait jusqu’à présent, très souvent, de l’impossible.
Ainsi, le LegalDesign va permettre d’inventer une autre façon de concevoir la transmission de l’information juridique, pour son destinataire non juriste, au quotidien. Il y a donc au travers du LegalDesign, l’émergence d’un nouveau souffle pour la matière juridique. « Law by Design » (Margaret Hagan), designer le droit, voilà l’enjeu. En effet, le juriste ne peut plus croire encore que sa valeur ajoutée réside dans la réponse technique qu’il va délivrer à son client.
Pourquoi l’émergence de ce concept n’arrive que maintenant ?
Certainement parce que le monde dans lequel nous évoluons est celui de l’instantanéité et de l’information immédiate. Lutter contre l’idée selon laquelle nous serions dans un monde d’ignorants surinformés, favorise l’émergence du LegalDesign. Ce concept a le mérite de véhiculer une information utile de façon rapide.
L’avantage premier sera alors d’être informé sans être ignorant. Nous ne prenons plus le temps de lire des dizaines de pages de contrats ou de conditions générales ; nous sommes dans la rapidité de l’information où tout doit aller vite, et l’analyse du juriste n’y échappe pas. Le LegalDesign consiste finalement à dessiner un objet juridique pour le rendre plus en phase, plus accessible à ses utilisateurs.
Un contrat par exemple peut être transformé en quelques vues d’écran, permettant à une partie de mieux comprendre quelles sont ses droits et obligations. Une infographie peut être créée pour présenter une nouvelle loi par exemple ; en mettant directement l’accent sur les points les plus saillants et importants d’un problème donné. Le justiciable ou la partie aura donc plus facilement accès à l’information juridique et permettra d’obtenir un consentement qui sera plus éclairé, et donc de meilleure qualité.
Infographie sur la création d’une entreprise en ligne, source : Assas Future of Law
L’évolution du métier de juriste
D’autre part, la formation du juriste en 2019 n’est plus celle d’il y a 20 ans. L’interdisciplinarité est de rigueur. Le juriste doit aujourd’hui évoluer dans un processus participatif, dans lequel il est à même de dialoguer avec des ingénieurs, des designers ou encore des graphistes. Il n’est pas question de faire des juristes codeurs, mais du moins être à même de dialoguer avec des ingénieurs. « Code is Law » pour reprendre la superposition de cette maxime de Lessig ; la démarche du LegalDesign peut se résumer en une puissante incitation à penser hors des cadres prédéfinis.
La direction juridique, dans son aspect collaboratif, doit se montrer comme facilitatrice et moteur de l’innovation, bien loin de son image contrainte, rigide et conservatrice qu’elle avait jusqu’alors. Le Legal Design consiste en une approche holistique qui va bien au-delà de la visualisation du droit à laquelle il est parfois réduit.
Simple mais non simpliste, ce concept vise à concilier droit et usage actuel de l’information. Il convient mieux de parler de simplification ou facilitation de la règle de droit, plutôt que de vulgarisation de cette dite règle. En effet, le Legal Design ne doit pas apparaître comme une science approximative, mais davantage comme un simplificateur de la circulation de l’information juridique. Faire comprendre une règle de droit à une autre direction que la direction juridique au sein d’une entreprise, voilà par exemple un des enjeux du LegalDesign.
Les enjeux du Legal Design
Le Legal Design consiste en une approche holistique qui va bien au-delà de la visualisation du droit à laquelle il est parfois réduit. Simple mais non simpliste, ce concept vise à concilier droit et usage actuel de l’information. Il convient mieux de parler de simplification ou facilitation de la règle de droit, plutôt que de vulgarisation de cette dite règle.
En effet, le Legal Design ne doit pas apparaître comme une science approximative, mais davantage comme un simplificateur de la circulation de l’information juridique. Faire comprendre une règle de droit à une autre direction que la direction juridique au sein d’une entreprise, voilà par exemple l’un des enjeux du Legal Design. A l’heure à laquelle les entreprises font de la simplification un enjeu stratégique, cette innovation offre un outil puissant aux directions juridiques ou aux cabinets d’avocats qui souhaitent innover.
Attention néanmoins, le Legal Design permet d’orienter une information. Dans un contrat, l’information sur les droits et obligations d’une partie peut être orientée dans l’intérêt ou au contraire au détriment de ladite partie. Ce design peut donc être utile pour renseigner, mais aussi pour orienter ce justiciable ou cette partie à un contrat dans l’exercice de ses droits et donc le décourager à faire certaines choses ou au contraire l’inciter à prendre telle ou telle voie.
Cette innovation par le design sera peut-être analysée comme la première pierre permettant de contrecarrer cette maxime malheureusement fausse : « Nul n’est censé ignorer la loi ».
(Sacha Gaillard, Président d’Assas Future of Law)