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L’omission des mentions prévues par l’article 4 alinéa 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 n’affecte pas la validité de la mise en demeure prévue par l’article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale, dès lors que celle-ci précise la dénomination de l’organisme qui l’a émise (Bordeaux. CHAMBRE SOCIALE SECTION B. 6 juillet 2023. RG n° 21/05492)
Est-il encore nécessaire de faire une synthèse sur la mise en en demeure dans le cadre du contrôle URSSAF ? L’article L 244-2 du Code de la sécurité sociale précise que toute action ou poursuite effectuée par l’organisme de recouvrement est « obligatoirement » précédée d’une mise en demeure. Ce document « qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti » (Cass soc. 19 mars 1992. pourvoi n° 88-11682), peut concerner à la fois les cotisations et les majorations de retard (CSS, art. L 244-3). En outre, c’est à partir de cette mise en demeure que naissent les différentes prescriptions (prescriptions extinctives de la dette : CSS art L 244-3 al 1 et prescription de l’action en recouvrement : CSS art L 244-8-1) ainsi que les options de recours du débiteur vis-à-vis des organismes de recouvrement de sécurité sociale….
C’est dire l’importance de ce document !
Qui plus est, et en allant plus loin dans notre réflexion, on relèvera que cette mise en demeure, qui doit être considérée comme une « décision » de recouvrement, est seule susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux (Cass soc. 24 mars 1994 pourvoi n° 92-13925, 1° décembre 1994. pourvoi n° 92-14219, 18 juillet 1997. pourvoi n° 94-21936 V. également : Cass soc. 1° décembre 1994. pourvoi n° 92-14219, Cass civ 2ème 14 février 2019, pourvoi n°17-27759 – Nîmes. 5° chambre Pôle social. 15 juin 2023. RG n° 21/01055)
Ce « label » de « décision » donné par la jurisprudence est d’autant plus important lorsque l’on sait que les articles du Code de la sécurité sociale doivent désormais se lire à la lumière du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA).
Rappelons en effet que suivant l’article L. 100-3 du CRPA, on entend par « Administration : les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ». Cette simple disposition signifie, sauf exception, que les relations URSSAF/cotisants entrent dans le champ d’application du CRPA et lui sont donc soumises.
Or, selon l’article L. 212-1 du CRPA (ancien article 4 alinéa 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000), « toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».
Il ne s’agit pas là d’une position purement formelle du code.
Selon M. Vincent VILLETTE, rapporteur public sous la décision du Conseil d’État n° 425796 du 18 décembre 2020, cette obligation prévue à l’article L 212-1 susmentionné vise en réalité « à permettre aux administrés d’identifier facilement l’auteur de l’acte, pour qu’ils soient à même de vérifier sa compétence et son impartialité – notamment en cas de contentieux ».
On ne peut donc qu’être étonné de la position de la Cour de Bordeaux suivant laquelle l’omission des mentions prévues par l’article 4 alinéa 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 n’affecte pas la validité de la mise en demeure prévue par l’article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale, dès lors que celle-ci précise la dénomination de l’organisme qui l’a émise. Et ce, même s’il s’agit d’une position sans cesse répétée par la jurisprudence (Cass civ.2°. 29 juin 2004. pourvoi 03-30.136 – 5 juillet 2005. Bull civ II n° 179 – Amiens, 2° protection sociale, 10 mai 2021, RG n° 19/06109 – Rennes. 9ème Ch Sécurité Sociale. 23 novembre 2022. RG n° 19/00154 – V. également Toulouse. 4ème Chambre Section 3. 14 juin 2023. RG n° 22/03274).
Faut-il rappeler comme aimait le dire Franklin Roosevelt que « la répétition ne transforme pas un mensonge en vérité » ? Comment le juge judiciaire peut-il maltraiter à ce point le Droit et faire abstraction totale des dispositions du CRPA, au point d’adopter une position contra legem ?
La question mérite d’autant plus d’être posée que c’est la position exactement inverse qui prévaut en droit administratif sur la base du même texte. En effet, selon le Conseil d’État, le respect des formalités prévues à l’article L 212-1 du CRPA constitue une condition de la légalité formelle de l’acte, leur non-respect étant susceptible d’entraîner l’annulation de l’acte pour violation d’une formalité substantielle (CE, 25 juill. 2001, Oukal,no 228392 – CE, 18 décembre 2020, 425796, C – TA Lyon, 8 juillet 2022, n° 2101168 ; TA Lyon, 6 juillet 2022, n° 2009228 ; TA Versailles, du 18 juillet 2022, n° 2201660 ; TA Marseille, du 3 août 2022, n° 2009893, TA Grenoble, 10 octobre 2022, n° 2106992)
A ce stade, une question s’impose : le juge judiciaire a-t-il suffisamment pris la mesure des modifications entraînées par la promulgation du CRPA ?
François Taquet Professeur de Droit social (IESEG, SKEMA BS) Avocat, spécialiste en Droit du travail et protection sociale Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA