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Date de mise en ligne : 7 juillet 2022
Maître François Taquet, professeur de Droit social, rédacteur d’amendements sur les projets de loi en matière sociale à l’Assemblée Nationale, au Sénat et au Parlement européen, revient sur la procédure de la mise en demeure.
C’est souvent dans les détails et au regard de la procédure suivie que se gère un contentieux URSSAF suite à un contrôle de cotisations. Mais n’est-ce pas le juriste prussien Rudolf von Jhering, qui au 19° sicle disait que « la procédure est sœur jumelle de la liberté. » ?
On sait que la première étape obligatoire d’un contentieux URSSAF est la mise en demeure (article L 244-2 du Code de la Sécurité sociale). Ce document n’est pas un acte de procédure mais une simple « invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti » (Cass soc. 12 octobre 1995. Bull. civ. V. n° 273). Il en résulte que la mise en demeure n’est soumise à aucun formalisme particulier. Toutefois, étant donné l’importance de ce document, la jurisprudence se devait d’en fixer les mentions minima afin que celui-ci soit compréhensible par le cotisant. En ce sens, dans un arrêt dit « Deperne » du 19 mars 1992 (Bull. civ. V, n° 204), la Chambre sociale a décidé que la mise en demeure devait préciser, « à peine de nullité », outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve du préjudice. Ces mentions ont été reprises par l’article R. 244-1 du Code de la sécurité sociale. Et à l’article L 244-2 d’insister en indiquant que le contenu de la mise en demeure « doit être précis et motivé ».
A qui doit être adressé cette mise en demeure ? Certes, l’article R 243-59 du Code de la sécurité sociale précise les modalités d’envoi de l’avis de contrôle (CSS art R 243-59 I al 3) et de la lettre d’observations (CSS art R 243-59 III al 1). En revanche, rien n’a été prévu concernant la mise en demeure. Dans un jugement du Tribunal Judiciaire de Lille, il avait été décidé logiquement que « c’est le débiteur des cotisations exigées qui doit être le destinataire de la mise en demeure puisqu’elle constitue juridiquement le document lui permettant d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. Elle est donc essentielle et nul autre que le redevable des sommes doit en être destinataire » (Tribunal Judiciaire de Lille. Pôle social. 8 décembre 2021. RG n° 19/03384). La Cour d’appel de Saint Denis de la Réunion confirme cette position évidente dans une affaire où suite à un contrôle URSSAF concernant un Centre Hospitalier, les mises en demeure avaient été adressées non au siège de l’hôpital ou à son représentant légal mais … à la directrice des ressources humaines…L’organisme de sécurité sociale invoquait le fait qu’il s’agissait de l’adresse donnée par l’employeur pour les échanges lors de la procédure de contrôle concernant certains des établissements…Toutefois, cet argument n’a pas prospéré, celui-ci se heurtant aux « dispositions d’ordre public du code de la sécurité sociale relatives à la notification au débiteur d’une mise en demeure après contrôle ». Résultat des courses : ces mises en demeure, qui n’avaient pas permis au débiteur d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation, encouraient la nullité (Saint Denis de la Réunion. Chambre sociale. 16 juin 2022. RG n° 19/01740).
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