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La mise en demeure est valide même en cas de différence infime entre le montant de la somme réclamée dans la mise en demeure et le montant de celle figurant dans la lettre d’observations (Toulouse. 4ème Chambre Section 3. 14 juin 2023. RG n° 21/00325)
Etrange décision que celle rendue par la Cour de Toulouse. A force de vouloir valider à tout prix certaines mises en demeure, certaines Cours ne renient t’elles pas les principes édictés par l’arrêt Deperne (Cass soc. 19 mars 1992. pourvoi n° 88-11682).
Cette solution est à rapprocher d’une décision de la la Cour de Paris. En l’espèce, l’Urssaf réclamait à la société par mise en demeure un montant total de cotisations de 94 950 euros, alors que le montant de cotisations redressées porté à la lettre d’observations était de 94 940 euros. Pour les juges du fond, la différence de 10 euros était minime et relevait davantage d’une erreur de plume, peu important ici qu’elle soit défavorable à la société dans la mesure où la mise en demeure précisait que le montant des redressements correspondait « au dernier échange du 15/02/18 », lequel confirme le montant total du redressement à la somme de 94 940 euros conformément à la lettre d’observations.
Certes, 10 € peuvent paraître minimes sur un montant de 94 950 € (V. dans le même sens : Amiens. 2° protection sociale. 27 mars 2023. RG n° 21/05089, 21 € de différence en défaveur de la société, entre la lettre d’observations et la mise en demeure)…
Il n’empêche que ce laxisme de la jurisprudence peut étonner. En effet, suivant l’article L 244-2 al 2 du CSS, le contenu de la mise en demeure « doit être précis et motivé ». En l’espèce, peut-on considérer que le montant soit précis ? Sauf à retirer le sens des mots, précis veut dire « exact » selon la définition du Larousse. Or, ici, force est de constater que ce montant n’est pas exact.
Qui plus est, admettre un tel raisonnement ne revient-il pas à cautionner la notion « d’enrichissement sans cause » pour les organismes de recouvrement ? Car, la somme due par le cotisant sera bien celle inscrite sur la mise en demeure, laquelle constitue la décision de recouvrement, seule susceptible de faire l’objet, d’un recours contentieux (Nîmes. 5e chambre Pole social. 15 juin 203. RG n° 21/01055)
Un autre arrêt de la Cour de Paris nous semble beaucoup plus juste : « la discordance entre le montant des cotisations figurant sur la mise en demeure et celui mentionné dans la lettre d’observations [4 €] sans que le moindre élément d’explication n’en soit porté sur la mise en demeure, ne permettait pas au cas d’espèce au cotisant d’avoir connaissance de l’étendue exacte et certaine de son obligation, peu important à cet égard que la différence de montant soit peu importante, dès lors qu’elle a été appliquée en défaveur du cotisant, et qu’elle n’apparaît au surplus toujours pas justifiée (Paris. Pôle 6 – Chambre 12. 14 octobre 2022. RG n° 18/05457)
François Taquet Professeur de Droit social (IESEG, SKEMA BS) Avocat, spécialiste en Droit du travail et protection sociale Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA