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La formule est connue : avant tout contentieux devant le Pôle social du Tribunal judiciaire, le cotisant en litige contre URSSAF doit saisir la Commission de recours amiable dans le délai de deux mois à compter de la mise en demeure (CSS art R. 142-1). Le point de départ est donc la notification du document. Pratiquement, cette commission n’est pas une juridiction (Cass. civ. 8 janvier 1964. Bull. civ. II, n° 34. 8 juin 1977. Bull. civ. V. n° 389). Elle n’est qu’une émanation du conseil d’administration de chaque organisme de Sécurité sociale.
Toutefois, une question se pose d’emblée : le cotisant est-il lié devant le Tribunal par les arguments qu’il a développés devant la commission. Trois arrêts récents rappellent l’intérêt de cette question :
Dans un premier arrêt, et pour déclarer irrecevable la contestation des chefs de redressement par le cotisant, autres que le chef de redressement n° 9, les juges du fond avaient relevé que si la société avait saisi la commission de recours amiable, par courrier mentionnant contester l’intégralité du redressement, tant sur la forme que sur le fond, elle précisait maintenir ses observations concernant les chefs de redressement n° 9, n° 14 et n° 15 et se réserver la possibilité de contester la forme et les autres chefs de redressement dans un mémoire complémentaire. La Cour d’appel en avait déduit que faute d’avoir adressé de mémoire complémentaire susceptible d’étendre la réclamation, la société n’avait saisi la commission de recours amiable que des chefs de redressement n° 9, n° 14 et n° 15. Cette position est censurée par la Cour de cassation, dès lors que la société avait indiqué que le recours amiable portait sur l’ensemble des chefs de redressement (Cass civ. 2, 1er juin 2023, pourvoi n° 21-21329)
De même, pour la Cour d’appel de Paris, une société avait formé un recours amiable tendant à obtenir l’annulation de certains chefs de redressement ainsi que la remise des majorations de retard, son courrier mentionnant : « la société demande à votre commission d’annuler l’intégralité des points de redressement contestés par la présente. A titre subsidiaire, la société demande à votre commission une remise des majorations de retard de 10% ». Dans ces conditions, la société était fondée à soutenir tout moyen tendant à obtenir l’annulation des chefs de redressement, y compris des moyens non soumis préalablement à la commission de recours amiable (Paris. Pôle 6 – Chambre 13. 26 mai 2023. RG n° 18/11888)
En revanche, dans une autre décision, une entreprise n’avait pas fait référence dans son recours devant la CRA à deux points de redressement qu’elle entendait contester devant le Tribunal judiciaire… Pour la Cour d’Orléans, la commission de recours amiable n’ayant pas été saisie d’une contestation des chefs de redressement n° 4 et 5 dans le délai de deux mois à compter de la réception de la mise en demeure, la contestation de ceux-ci devant la juridiction de sécurité sociale était irrecevable (Orléans. Chambre sociale. 2 mai 2023. RG n° 21/03036)
Finalement, ces décisions ne font que réitérer une position classique de la jurisprudence et que l’on peut ainsi résumer :
▪ Si le cotisant a contesté, devant la commission de recours amiable, la totalité du redressement, celui-ci est fondé à contester l’ensemble des éléments même non motivés dans la requête initiale devant la commission de recours amiable (Cass soc. 25 janvier 1989 pourvoi n° 86-11940 – Cass civ.2°. 7 mai 2015 pourvoi n° 14-14914 V. également : Riom. Quatrième chambre civile (sociale).15 mai 2018. RG n° 17/01721 – Aix-en-Provence. Chambre 14. 29 avril 2016. RG n° 14/17349)
▪ Si le cotisant a limité son recours à un ou plusieurs chefs de redressement, il ne pourra plus contester les autres points de redressement devant la juridiction contentieuse (Cass soc. 29 mars 2001. pourvoi n° 99-17912 – Cass civ. 2°.16 novembre 2004 pourvoi n° 03-30426 V. également : Caen. 2° Chambre sociale. 27 septembre 2013. RG n° 11/03546 : la société avait limité sa contestation à deux chefs de redressement relatifs aux chèques-cadeaux et à la réduction Fillon ; le défaut de remise de la charte du cotisant contrôlé, moyen nouveau soulevé devant le tribunal devait donc être déclaré irrecevable – Cayenne, Chambre sociale, 3 mai 2019, RG n° 18/00427)
Ainsi, il est judicieux, en cas de saisine de la CRA, d’écrire des phrases du type :
« Je conteste l’ensemble des redressements opérés et la mise en demeure subséquente, notamment pour les motifs suivants : …
Pour ces motifs, je vous saurais gré de noter que je conteste la totalité du redressement et vous saurais gré de revoir votre position »
Un homme averti en vaut deux !
Ces mentions permettront de ne pas hypothéquer l’avenir en cas d’évolution de la jurisprudence
François Taquet Professeur de Droit social (IESEG, SKEMA BS) Avocat, spécialiste en Droit du travail et protection sociale Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA