Quelles sont les attributions de la ministre chargée de l’égalité ?

Publié le 13 juin 2022

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Patrick Lingibé, Vice-Président de la Conférence des Bâtonniers de France, décrypte pour vous les attributions de la ministre chargée de l’égalité.

 

Par décret n° 2022-864 du 8 juin 2022, la Première ministre Elisabeth Borne a fixé, en application de l’article 21 de la Constitution, deuxième alinéa, les attributions de la ministre déléguée auprès d’elle, Isabelle ROME, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Nous nous intéressons à cette ministre dans la mesure où elle a en charge des problématiques sociétales particulièrement fortes. Nous étudierons donc en premier lieu ses attributions (I) avant d’aborder les moyens dont elle dispose pour les politiques qu’elle doit conduire pour résoudre ces problématiques (II).

I – Les attributions de la ministre : de la coordination à des compétences précises.

1. Une compétence de coordination générale.

La ministre déléguée reçoit la charge de préparer, d’animer et de coordonner le travail gouvernemental en matière de parité et d’égalité entre les femmes et les hommes, de la lutte contre la discrimination et contre la haine envers les personnes lesbiennes, gays, bi et trans.

Cette compétence générale se comprend parfaitement dans la mesure où les problèmes d’égalité et de discrimination sont transversaux et c’est à la ministre déléguée, représentante de la Première ministre, d’assurer une cohérence de toutes les actions menées à ce niveau par le Gouvernement.

2. L’élaboration de la politique d’égalité des chances.

La ministre déléguée a charge d’élaborer, de coordonner et d’assurer le suivi de la politique en faveur de l’égalité des chances dans les domaines politique, économique, social, éducatif et culturel et de promouvoir les mesures destinées à faire disparaître les discriminations, notamment en matière d’éducation, d’enseignement supérieur, d’emploi, de logement, de santé et d’accès aux responsabilités dans la société.

Cette attribution est complémentaire à la précédente avec une égalité orientée sur les chances en gommant toutes les obstacles discriminatoires s’opposant à la réussite objective d’une personne sur le plan politique, économique, social, éducatif et culturel.

Isabelle Rome aura fort à faire en ce domaine tant les discriminations sont subtiles à l’égard de personnes différentes et provenant des minorités.

3. Le pilotage du comité interministériel aux droits des femmes.

Elle est le pilote du comité interministériel aux droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Il convient de rappeler que ce comité a été créé par le décret n° 2012-1097 du 28 septembre 2012.

Ce comité vise à proposer au Gouvernement les actions à conduire pour faire respecter les droits des femmes, faire disparaître les stéréotypes, discriminations et violences à leur égard et accroître les garanties d’égalité dans les domaines politique, économique, professionnel, éducatif, social, sanitaire et culturel.

Il est composé de l’ensemble des ministres, avec la possibilité suivant les questions inscrites à l’ordre du jour, pour les secrétaires d’Etat concernés d’y siéger.

Suivant ce décret de 2013, c’est le délégué interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes qui devrait préparer et suivre les travaux et décisions du comité, auquel il assiste également.

Le décret du 8 juin 2022 amplifie donc les attributions de la ministre déléguée Isabelle Rome en lui confiant des tâches qui relevaient auparavant du délégué interministériel.

Dans le mesure où Isabelle Rome a exercé auparavant avec brio et compétences cette fonction de déléguée interministérielle, elle était donc la mieux placée pour assurer de telles fonctions au niveau politique en y ajoutant la compétence technique unanimement reconnue qui est la sienne à ce niveau.

C’est ce comité qui adopte les mesures permettant d’assurer la promotion des droits des femmes dans tous les champs de l’action gouvernementale.

C’est encore ce comité qui arrête un plan d’action interministériel en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’un plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes.

C’est la ministre déléguée qui préside ce comité par délégation de la Première ministre. Il lui revient également de préparer et de suivre les travaux du comité.

4. La lutte contre les discriminations liées au sexe.

Elle est chargée de promouvoir les mesures destinées à faire disparaître toute discrimination liée au sexe et à accroître les garanties d’égalité dans les domaines politique, économique, professionnel, éducatif, social, sanitaire et culturel.

A ce titre, elle veille en particulier, en lien avec les ministres compétents, à l’amélioration de la prise en compte de la maternité et de la paternité dans les parcours professionnels et au développement des modes de garde, notamment collectifs, des jeunes enfants.

Dans ces domaines, elle est notamment associée à la préparation des mesures visant à assurer les droits des femmes, la lutte contre le harcèlement et contre les violences sexistes et sexuelles et la protection effective des victimes de ces violences, et veille à leur application.

Il convient de rappeler que le décret n° 2013-7 du 3 janvier 2013 a créé une mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains.

Cette mission est chargée d’une quadruple mission :

1° Rassembler, analyser et diffuser les informations et données relatives aux violences faites aux femmes, en contribuant à la réalisation d’études et de travaux de recherche et d’évaluation dans le domaine de la protection des femmes victimes de violences et à l’analyse des rapports de retour d’expérience dans les procédures d’homicides conjugaux, notamment ceux élaborés par les services du ministère de la justice.

2° Favoriser l’animation locale de la politique de protection des femmes victimes de violences, en lien avec les services du ministre en charge des droits des femmes.

3° Concevoir, en lien avec les ministères et les acteurs concernés, l’ingénierie de formation des professionnels et autres intervenants auprès des femmes victimes de violences.

4° Assurer la coordination nationale de la lutte contre la traite des êtres humains.

Nous savons que les violences faites sont une problématique sociétale majeure que l’on a souvent ignorée ou sous-évaluée, les victimes se cloisonnant dans le silence face au regard des autres.

La ministre déléguée à l’égalité aura tout un chantier à mener sur cette problématique au regard des chiffres inquiétants, surtout dans certaines régions de notre vaste territoire hexagonal et extra-hexagonal.

5. La participation à la politique de l’éducation portant sur l’égalité et ses déclinaisons.

La ministre déléguée doit être associée par le ministre chargé de l’éducation nationale à la définition des actions pédagogiques en milieu scolaire sur l’ensemble de ses attributions.

6. La préparation des mesures assurant l’égalité salariale en concertation avec d’autres ministères.

En concertation avec le ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, et sans préjudice de leurs attributions, elle est chargée de préparer les mesures relatives à l’égalité professionnelle et des rémunérations dans le secteur privé et le secteur public et à la mixité des métiers et à la lutte contre les discriminations en milieu professionnel.

7. La coordination des actions contre les actes haineux et discriminatoires.

Elle est chargée, par délégation de la Première ministre, de coordonner les actions menées contre les actes et agissements de haine et de discrimination envers les personnes lesbiennes, gays, bi et trans, tant pour prévenir ces actes et agissements que pour assurer l’exemplarité des sanctions lorsqu’ils se produisent.

8. La promotion des droits des femmes et de l’égalité au niveau européen et international.

A la demande du ministre chargé de l’Europe et des affaires étrangères, elle apporte son concours à celui-ci dans les négociations internationales ayant pour objet de promouvoir les droits des femmes, l’égalité réelle, la lutte contre les discriminations.

9. Les missions complémentaires sur demande de la Première ministre.

La ministre déléguée accomplit toute autre mission que la Première ministre lui confie.

II – Les moyens admistratifs et techniques d’actions.

L’article 2 du décret du 8 juin 2022 liste un certain nombre d’administrations relevant d’autres ministères sur lesquelles la ministre déléguée en charge de l’égalité exerce une autorité suivant le domaine d’intervention.

1. Pour tout ce qui concerne l’exercice de ses attributions en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, la ministre a autorité sur les administrations suivantes :

-la direction générale de la Cohésion sociale conjointement avec le ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, le ministre du Travail, du plein emploi et de l’insertion et le ministre des Solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées,

-le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine envers les personnes lesbiennes, gays, bi et trans,

-la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains.

2. Pour tout ce qui relève de l’exercice de ses attributions en matière de diversité et d’égalité des chances, elle dispose des services suivants :

-le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, notamment sa délégation à l’information et à la communication et sa délégation aux affaires européennes et internationales,

-la direction générale de l’administration et de la fonction publique,

-la direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle,

-la direction générale du travail,

-la direction générale de l’enseignement scolaire.

3. La possibilité d’utiliser des missions de contrôle et d’audit :

La ministre déléguée à l’égalité peut également mobiliser les services d’inspection et de contrôle et les missions ministérielles d’audit qui sont mis à sa disposition en tant que de besoin pour toute étude ou mission entrant dans le champ de sa compétence.

De même, elle dispose en tant que de besoin du concours des services des autres départements ministériels et organismes qui leur sont rattachés.

L’Egalité est le deuxième principe de notre devise républicaine. Elle est pourtant aujourd’hui le principe posant le plus de difficulté car force est de constater qu’on a du mal à le trouver en certains endroits ou donne lieu à une application à géométrie très variable. Or, derrière l’Egalité se cache un autre principe non écrit dans notre devise alors qu’il est pourtant sous-jacent : il s’agit du principe de Dignité qui prend tout son sens dans notre société mondialisée où l’être humain devient un simple numéro parmi d’autres. Or, il ne peut y avoir de véritable Egalité sans Dignité et de véritable Dignité sans Egalité.

La ministre déléguée aux égalités Isabelle Rome aura fort à faire dans l’exercice de toutes les attributions confiées et à mener de front, face aux urgences sociétales.

Date de mise en ligne : 14 juin 2022