Vers une contestation des Élections présidentielles aux États-Unis ?

Publié le 5 novembre 2020

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Le 20 janvier 2021, le nouveau président des États-Unis sera investi lors de l’Inauguration Day.

Après de longs mois de campagne et une journée de vote le 03 novembre 2020, le Président Donald Trump a exprimé son souhait de vouloir saisir la Cour Suprême des États-Unis pour fraude[1] aux élections dans plusieurs États.

Le vote par correspondance semble être cette année l’un des objets de discorde entre les deux candidats puisque le parti républicain n’estime pas ce processus fiable.

Ce type de vote est pourtant courant aux États-Unis. Utilisé depuis la Guerre de Sécession, il a été sollicité massivement durant cette élection au milieu d’une pandémie mondiale pour éviter tout contact et tout déplacement. Ainsi, 43 des 50 États ont mis en place ce processus.

L’organisation de ces votes par correspondance est laissée libre à chaque État. Il ne s’agit pas encore d’un dispositif de vote électronique à distance mais bien de vote grâce à des bulletins papier qui sont directement envoyés aux électeurs qui en font la demande. Ces bulletins sont ensuite renvoyés par courrier avant l’élection ou glissés dans une boîte physique prévue à cet effet. Certains États imposent cependant une maladie, ou une incapacité au déplacement pour bénéficier de ce vote par correspondance.

Ce système de vote repose sur la vérification de signature du citoyen entre celle présente sur l’enveloppe contenant le bulletin et celle enregistrée lors de son inscription électorale.

L’histoire américaine a relevé à plusieurs reprises des contestations d’élections présidentielles dans certains États. Les règles électorales étant régies au niveau de l’État et non pas au niveau fédéral, il convient de s’interroger sur les possibilités de telles contestations.

 

Contestation d’une élection présidentielle aux États-Unis

 

Les contestations relatives aux élections présidentielles des États-Unis ne concernent pas le résultat global de celles-ci mais visent à remettre en question les résultats de certains États fédérés. L’influence sur l’élection en elle-même n’est pas moindre puisqu’il s’agit très souvent d’États pivots, comprenant un nombre important de grands électeurs et pouvant ainsi faire basculer les résultats.

Silencieuse sur la question, la Constitution de 1787 n’indiquait pas comment devaient être résolues les questions relatives au décompte de suffrages lors d’une élection présidentielle.

L’Electoral Count Act (Loi sur le décompte électoral) de 1887 vient donner quelques réponses à ce sujet en reconnaissant une place primordiale aux États fédérés puis subsidiairement au Gouvernement fédéral.

Cette loi a été envisagée après l’élection de 1876 dans laquelle quelques voix de grands électeurs étaient revendiquées simultanément par le candidat démocrate Rutherford B. Hayes et le candidat républicain Samuel Jones Tilden ce qui mena à un contentieux électoral majeur dans l’histoire des États-Unis. Puisqu’aucune loi n’avait été prévue dans le cas de contestations, cette affaire s’était réglée par un compromis.

 

Le règlement des contestations au niveau des États fédérés

 

Aux États-Unis, les questions de contestations des élections sont donc d’abord présentées aux États pour résolution. En première ligne face à ce conflit, ils permettent d’éviter qu’un différend électoral ne devienne une crise constitutionnelle.

La Constitution prévoit que chaque État nomme les grands électeurs grâce à sa propre législation. C’est donc un rôle central qui est offert par la Constitution aux États.

Les États fédérés prévoient les conditions de recomptage des votes à leur échelle. Ces règles peuvent varier selon les États mais dans la majorité de ceux-ci, il faut former un recours juridictionnel devant les cours de l’État. Certains États ne prévoient pas de dispositions particulières.

Le Président Donald Trump a indiqué le 04 novembre 2020 vouloir demander un recomptage des voix dans l’État du Wisconsin par exemple.

L’État du Wisconsin dispose de 10 grands électeurs. Les lois électorales de cet État permettent à toute partie lésée de déposer une pétition pour un recomptage lors d’une élection présidentielle.

Toutefois, pour que le candidat puisse poursuivre légitimement, il ne doit y avoir qu’un écart de 1% entre les deux candidats dans les bureaux de plus de 4000 suffrages exprimés. Dans les bureaux dont les suffrages exprimés sont inférieurs à 4000 il suffit d’avoir un écart de 40 voix[2].

 

Le règlement des contestations au niveau du Gouvernement fédéral

 

Au niveau fédéral, la loi donne la possibilité au Congrès de formuler des objections sur les élections de grands électeurs[3]. Le Congrès doit ainsi se réunir le sixième jour de janvier après chaque réunion des électeurs. Toute objection doit être écrite et doit énoncer clairement son motif. Elle doit être signée par un sénateur et un membre de la chambre des représentants au moins. Lorsque toutes les objections ont été formulées, elles doivent être soumises au Sénat et à la Chambre des représentants séparément pour décision. Les chambres peuvent rejeter les votes des grands électeurs lorsqu’elles conviennent que ces votes n’ont pas été régulièrement donnés par les électeurs.

Le Congrès ne peut cependant pas intervenir si un différend a été soulevé dans un État et réglé par celui-ci dans des délais impartis.

Il interviendra en revanche si les États n’arrivent pas à résoudre les différends six jours avant la date fixée par le Congrès pour le vote des grands électeurs (cette année le 14 décembre 2020).

Cette hypothèse montre bien que l’intervention du Congrès au niveau fédéral n’est prévue que subsidiairement à une saisine des États et lorsque ceux-ci n’ont pas réussi à résoudre le litige eux-mêmes.

Les juridictions fédérales resteront toutefois compétentes pour résoudre tout litige de droit fédéral qui se présentera à elles. Cette situation a existé notamment dans l’arrêt Bush v. Gore[4] rendu le 12 décembre 2000 par la Cour Suprême des États-Unis dans lequel la Cour saisie par George W. Bush a annulé l’arrêt de la Cour Suprême de Floride qui avait ordonné le recomptage de bulletins au-delà de la date fixée par le Congrès.

Cet arrêt avait été rendu dans un contexte particulier où les résultats étaient contestés au vu d’un faible écart entre les deux candidats de moins de 0.5% des votes.

 

En conséquence, il est évident que des recours existent et sont disponibles pour contester des élections frauduleuses en cas de doutes sérieux et légitimes. Toutefois, utilisées abusivement, ces procédures peuvent tendre la passation de pouvoirs et crisper l’opinion publique.

 

 

[1] Ces fraudes ne pourront être déclarées qu’avec des preuves certaines et une procédure qui sera évoquée par la suite. Les fraudes peuvent être variées : vote double, vote à la place d’une personne, vote avec du retard etc.

[2] https://www.ncsl.org

[3]https://www.govinfo.gov/content/pkg/USCODE-2014-title3/pdf/USCODE-2014-title3-chap1-sec15.pdf

[4] https://supreme.justia.com/cases/federal/us/531/98/

 

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Article rédigé par Laurène Astruc-Cohen, Élève-Avocat et Juriste chez Juri’Predis